Dans les civilisations primitives la règle de droit, essentiellement coutumière, n’était pas protégée par les tribunaux publics. L’État naissant n’intervenait pas dans les conflits privés. C’était le stade de la juridiction privée. Il en restait une survivance au XIXè siècle dans la vendetta en Corse.
Aujourd’hui, les nations règlent encore leurs différends par la force, malgré l’existence de la Cour internationale de la Haye et de l’arbitrage international. Mais dans les rapports privés le principe est que nul n’a le droit de se faire justice à soi-même. La personne qui tient à faire reconnaître son droit doit user des moyens mis à sa disposition par l’État pour le faire, c’est-à-dire l’action en justice.
L’article 30 du nouveau Code de procédure civile définit l’action en justice de la manière suivante : "il s’agit du droit pour l’auteur d’une prétention d’être entendu sur le fond de celle-ci, afin que le juge la dise bien ou mal fondée". Le nouveau Code de procédure civile ajoute que pour l’adversaire, l’action en justice est « le droit de discuter le bien fondé de cette prétention ». On pourrait aussi définir l’action en justice comme le pouvoir reconnu aux particuliers (personnes physiques ou morales) de s’adresser à la justice pour obtenir le respect de leurs droits et de leurs intérêts légitimes.
Il existe plusieurs formes d’action en justice. La plus classique est celle qui oppose un demandeur et un défendeur devant une juridiction civile. Mais il existe aussi des actions en justice devant les juridictions pénales, ainsi l’action civile intentée devant les tribunaux répressifs par la partie lésée contre l’auteur de l’infraction (contravention, délit, crime), ou encore l’action publique intentée par le Ministère public, (Procureur de la République ou ses substituts) pour appliquer une peine ou une mesure de sûreté à l’auteur d’une infraction, dans l’intérêt de la société. Il existe également des actions en justice sur le plan administratif, ainsi, le recours en annulation qui n’est pas dirigé contre une personne, mais contre un acte irrégulier de l’administration dont on demande annulation.
Dans l’étude qui va suivre nous examinerons les conditions de l’action en justice dans le cadre du droit privé. En premier lieu, les conditions tenant à la personne du sujet qui agit, et en second lieu, la nécessité d’agir dans un certain délai et à l’objet de l’action.
En vertu d’un principe non écrit, mais implicitement consacré (art. 31, N.C.P.C), on ne peut agir en justice que si l’on y a intérêt légitime et dans la mesure de cet intérêt, c’est ce qu’exprime le vieil adage « pas d’intérêt, pas d’action ». Lorsque l’intérêt est minime, le juge peut écarter l’action, cependant il ne pourra le faire s’il s’agit d’appliquer une clause contractuelle ou de condamner un empiètement sur la propriété d’autrui. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir (art.32, N.C.P.C).
L’intérêt peut être moral ou matériel, et notamment pécuniaire ; Il est exigé de toute personne qui agit dans l’instance, à un titre quelconque, comme demandeur, défendeur ou tiers intervenant. Il est multiforme, il doit d’abord être :
Le demandeur ou le défendeur à l’action doit avoir qualité pour agir, c’est-à-dire, être la personne investie par la loi du pouvoir de saisir la justice ou jouir d’un titre lui permettant d’invoquer le droit légitime. En vertu de l’adage « nul ne plaide en France par procureur », une personne ne peut agir pour autrui en son propre nom.
Cependant, cette règle n’interdit pas de recourir au contrat de mandat (art. 1984 et s du Code civil), on peut agir pour le compte et au nom d’autrui. Mais le mandat doit être écrit et dans toutes les pièces de la procédure le mandataire doit révéler le nom du ou de ses mandants. Il est un cas cependant où une personne peut agir à la place d’une autre : lorsqu’un créancier intente l’action que son débiteur néglige d’exercer, c’est l’action oblique. Dans cette hypothèse, le créancier a un intérêt personnel à agir de la sorte, il augmente le patrimoine de son débiteur et par-là même, ses chances d’être payé.
Dès l’instant qu’un groupement est doté de la personnalité morale (association, syndicat, société civile ou commerciale, GIE, GEIE), il a qualité pour agir, à condition qu’il puisse justifier d’un intérêt légitime, né et actuel. Les groupements sans personnalité morale (société en participation, sociétés de fait) n’ont pas qualité pour agir, et en conséquence ne sont pas capables.
Pour introduire une action en justice, il faut que le droit auquel correspond cette action n’ait pas été éteint par la prescription ou par un délai préfix.
Pour les actions, tant réelles que personnelles, le délai de la prescription de droit commun est de trente ans. Les actions relatives aux obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans. Il en est ainsi pour les actions en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle, sauf exceptions (par exemple le dol), et pour les actions contractuelles. L’action des marchands, pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers non-marchands se prescrit par deux ans (art. 2272, al. 4, Code civil). Les actions en paiement des loyers, des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des périodes plus courtes se prescrivent par cinq ans (art. 2272 , al. Code civil).
C’est le délai qui s’accomplit inexorablement jusqu’à son terme, sans que vous ne puissiez faire obstacle à son déroulement, à compter du jour où il a commencé à courir. Pour qualifier un délai, de délai préfix il faut rechercher l’intention du législateur, et notamment si son dessein a été de stabiliser rapidement et définitivement des droits et obligations soumis à extinction.
Généralement, le délai « préfix » est bref (au maximum deux ans) et établi en raison d’un but d’intérêt général. La Cour de cassation a une attitude très restrictive à cet égard, elle ne caractérise un délai de préfix que dans des cas exceptionnels. Cela s’explique par le fait que le délai préfix n’est pas très avantageux pour celui qui agit.
Le plaideur ne peut pas agir lorsqu’il y a eu autorité de la chose jugée. En effet, lorsqu’une demande a déjà fait l’objet d’une décision de justice, elle ne doit pas, en principe, et réserve faite de l’exercice des voies de recours, être soumise à nouveau à une juridiction. Pour cela il faut qu’il y ait identité des parties agissant en les mêmes qualités, identité d’objet et de cause. L’autorité de la chose jugée est relative et absolue. Elle est le plus souvent relative en droit privé et dans certaines formes du contentieux administratif. En revanche, l’autorité absolue de chaque chose jugée s’attache aux jugements pénaux et à certains jugements administratifs.
En procédure civile, les jugements constitutifs par exemple (divorce, règlement judiciaire) ont une autorité absolue. Il en va de même pour les jugements rendus en matière de nationalité. La chose jugée fait obstacle à toute nouvelle action. Quant aux tiers, si l’on voulait se prévaloir à leur encontre d’une décision à laquelle ils sont demeurés étrangers, ils s’abriteraient derrière la relativité de la chose jugée.