Huit grandes institutions règlent la vie de l’Union européenne :
Le Parlement examine les propositions de directives et de règlements européens et vote le budget communautaire.
Le Conseil de l’Union européenne est formé du conseil des ministres des 15 États membres et constitue le principal centre de décision.
La Commission européenne est l’exécutif de l’Union. Elle a en particulier l’initiative en matière législative.
La Cour des comptes contrôle les recettes et les dépenses.
La Banque européenne d’investissement finance les projets.
Le Comité économique et social des Communautés européennes est un organe consultatif, de même que
Le Comité des régions de l’Union européenne.
Enfin, la Cour de Justice des Communautés européennes veille à l’application des traités et à celle du droit.
Le traité de Paris a donné naissance, en 1951, à la C.E.C.A., qu’elle a tout de suite dotée d’une Cour de Justice. L’organisation et la compétence de cette dernière sont décrites par les trois traités constitutifs de l’Union européenne, et en particulier par l’article 164 du traité de Rome. Les amendements apportés sont inscrits dans l’Acte unique européen de 1986 (art. 4, Il, 18, 19,26).
La mission de la Cour de Justice est d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités constitutifs des Communautés européennes, ainsi que des dispositions arrêtées par les institutions communautaires compétentes nommées ci-dessus.
Elle a donc à jouer un rôle particulier au sein des institutions européennes, et c’est ce rôle que nous voudrions éclaircir ici.
Nous allons d’abord nous intéresser à la composition de la Cour de Justice. Dans un deuxième temps, nous tâcherons de définir son domaine de compétence, pour détailler ensuite les procédures qu’elle met en place. En conclusion, nous prendrons note des problèmes soulevés par son organisation et des différents projets de réforme proposés actuellement pour y répondre.
I. COMPOSITION
La Cour est composée de 15 juges et de 9 avocats généraux.
Les juges sont « nommés par un commun accord pour 6 ans par les gouvernements des États membres » (art. 167 C.E.E.). Ce mandat est renouvelable de manière illimitée. Un renouvellement partiel a lieu tous les 3 ans. Le traité ne fixe aucune répartition des mandats entre les États membres et n’interdit pas la désignation de ressortissants d’États tiers. Mais, en pratique, il y a 1 juge par État membre. Les juges sont indépendants et leur révocation ne peut être prononcée que par leurs pairs, à l’unanimité. Le traité de Rome exige que les juges soient des personnalités réunissant toutes les conditions requises pour l’exercice des plus hautes fonctions juridictionnelles dans leurs pays respectifs, ou « des jurisconsultes possédant des compétences notoires ». Le statut de membre de la Cour est incompatible avec un mandat politique, une fonction publique ou administrative.
Les juges désignent parmi eux le président de la Cour pour une période renouvelable de 3 ans. Le président dirige les travaux et préside les audiences et délibérations de la Cour.
Les avocats généraux assistent la Cour et l’aident à accomplir sa mission, ils sont chargés de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions sur les affaires soumises à la Cour et sont, comme les juges, nommés pour 6 ans.
La Cour peut siéger en séance plénière ou en chambres de 3 ou 5 juges. Elle se réunit en séance plénière lorsqu’un État membre ou une institution qui est partie à l’instance le demande, ainsi que pour les affaires particulièrement complexes ou importantes. Les autres affaires sont examinées en chambre.
Quelle que soit sa formation, la Cour siège au Luxembourg. Traduisant l’influence du droit administratif français, sa langue de travail reste le français, même si toutes les langues officielles de la Communauté peuvent être utilisées pour présenter une requête.
L’inflation des affaires juridiques a conduit à la création d’un Tribunal de première instance. Il a été créé par une décision du Conseil le 24 octobre 1988. Les membres du Tribunal sont choisis sur les mêmes critères et possèdent le même statut que les membres de la Cour. Le Tribunal a un mode de fonctionnement calqué sur celui de la Cour et traite :
l’ensemble des recours formés contre la Commission par des personnes physiques ou morales (notamment les entreprises),
les conflits entre les agents de la Communauté et leurs employeurs.
Ses décisions sont susceptibles d’appel, dans un délai de deux mois, devant la Cour, qui se prononcera sur le droit et non sur le fond. 20 à 25 % de ses décisions font actuellement l’objet d’un pourvoi devant la Cour.
II. COMPÉTENCE
A) Les recours sont de différents types :
Le recours en manquement oppose la Commission à un État membre ou deux États membres entre eux. Si la Cour constate le manquement, l’État est tenu d’y mettre fin sans délai. Si, après une nouvelle saisine, la Cour reconnaît que l’État membre concerné ne s’est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte. Cette procédure permet ainsi à la Cour de contrôler le respect par les États membres, des obligations qui leur incombent en vertu du droit communautaire.
Le recours en annulation peut être demandé par un État membre, le Conseil, la Commission ou le Parlement s’ils veulent l’annulation de l’ensemble (ou d’une partie) des dispositions communautaires. Mais ce recours est aussi ouvert aux particuliers qui peuvent demander l’annulation des actes juridiques qui les affectent directement et individuellement. Il donne ainsi à la Cour la possibilité de contrôler la légalité des actes des institutions communautaires.
Le recours en carence permet à la Cour de contrôler l’activité des institutions communautaires et de sanctionner leur silence ou leur inaction.
L’action en réparation consiste à déterminer la responsabilité de la Communauté pour les dommages causés par les institutions ou les agents dans l’exercice de leurs fonctions.
Les pourvois : la Cour peut être saisie des pourvois contre les arrêts prononcés par le Tribunal de première instance, comme nous l’avons déjà vu.
B) Le renvoi préjudiciel
Les questions préjudicielles représentent actuellement près de la moitié des affaires nouvelles portées devant la Cour.
Les juridictions nationales peuvent interroger la Cour sur la validité ou l’interprétation des dispositions du droit communautaire. Les arrêts de la Cour, sans trancher sur le fond, apportent des éléments qui permettent aux magistrats nationaux de juger et assurent une uniformité d’interprétation ainsi qu’une homogénéité d’application du droit communautaire à travers l’ensemble des États membres. Cette procédure montre que les juridictions nationales sont également des garantes du droit communautaire. Exemple d’Adidas.
C’est aussi dans le cadre des renvois préjudiciels que tout citoyen européen peut faire préciser les règles communautaires qui le concernent. En effet, bien que ce renvoi ne puisse être formé que par une juridiction nationale, toutes les parties concernées peuvent participer à la procédure engagée devant la Cour de Justice.
La Cour a donc une fonction juridictionnelle multiple, qui fait d’elle tour à tour :
un Tribunal international, puisqu’elle puise les règles qu’elle applique dans des sources de droit international ;
un Tribunal constitutionnel, lorsqu’elle est appelée à contrôler la conformité des actes communautaires aux traités ;
un Tribunal administratif, quand elle tranche les différends entre l’administration communautaire et ses agents ;
une Cour suprême, car les juges nationaux peuvent s’adresser à elle pour lui demander une interprétation officielle des règles de droit.
III. PROCÉDURE
La procédure devant la Cour s’inspire de la procédure suivie devant les juridictions nationales. Quelle que soit la nature de l’affaire, elle comprend une phase écrite et, presque toujours, une phase orale et publique. On distingue cependant :
A) La procédure des recours directs
Saisine
La Cour doit être saisie de l’affaire par une requête écrite.
Dès réception, la demande est inscrite au registre et le recours, publié au J.O. des Communautés européennes.
On désigne, pour les charger de l’affaire, un juge rapporteur et un avocat général.
La requête est signifiée à la partie adverse, qui dispose d’un mois pour introduire un mémoire en défense. Le requérant aura droit à une réplique et le défendeur à une duplique.
Instruction et rapport d’audience
On décide alors si l’affaire nécessite des mesures d’instruction et si elle doit être examinée par la Cour plénière ou en chambre.
Le président de la Cour fixe la date de l’audience publique.
Le juge rapporteur résume, dans un rapport d’audience, qui sera ensuite rendu public, les faits allégués et l’argumentation développée par les parties.
Audience publique et conclusions de l’avocat général
L’affaire est plaidée en audience publique, devant les juges et l’avocat général. Quelques semaines plus tard, et toujours en public, ce dernier présente ses conclusions devant la Cour et propose une solution.
Délibération et arrêt
Les juges délibèrent sur la base d’un projet d’arrêt établi par le juge rapporteur. Une fois adopté, le texte définitif de l’arrêt est prononcé en audience publique.
B) La procédure du renvoi préjudiciel
Seule diffère la partie écrite de la procédure, la demande doit être :
traduite dans toutes les langues communautaires,
publiée au J.O.,
notifiée aux parties impliquées, ainsi qu’aux États membres, à la Commission, & éventuellement au Conseil. Ceux-ci disposent de 2 mois pour soumettre à la Cour leurs observations écrites.
Les arrêts sont rendus à la majorité, signés par tous les juges ayant participé au délibéré et prononcés en audience publique.
À noter que, si une partie se trouve dans l’impossibilité de faire face aux frais de l’instance, elle peut demander le bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite. C’est à la chambre dont fait partie le juge rapporteur de décider de l’admission ou du rejet de la demande.
IV. CONCLUSION
Le rôle de la Cour de Justice est donc essentiel au sein des Communautés européennes. En effet, pour qu’existe un véritable droit communautaire, il ne suffit pas que le Conseil ou la Commission arrêtent des règlements, des directives ou des décisions, il faut une juridiction qui puisse en interpréter les règles, contrôler et sanctionner les actions des États membres.
La Cour de Justice est cependant confrontée à certains problèmes :
L’augmentation progressive mais constante du volume des affaires introduites devant les 2 juridictions (en 1998 : 485 pour la Cour et 238 pour le Tribunal) les a conduites à adopter des pratiques procédurales plus rapides, mais la surcharge est réelle et allonge les délais de jugement.
La nécessité de traduire un grand nombre de textes ralentit encore les procédures.
Le recours à des procédures accélérées serait nécessaire dans certaines affaires à caractère urgent (exemple : la libre circulation des personnes). Or, actuellement, ni le statut de la Cour ni le règlement de procédure ne prévoient la possibilité d’une procédure accélérée, mais seulement celle de faire juger une affaire « par priorité ».
Des projets de réforme ont vu le jour :
Pour mettre fin au caractère parfois purement formel de la procédure orale, l’audience publique pourrait ne plus être automatique mais soumise à décision d’office de la Cour.
Des procédures simplifiées pourraient être mises en place pour les questions simples qui ne soulèvent aucun problème nouveau au regard de la jurisprudence existante.
La Cour propose un système de filtrage des pourvois de manière à écarter les affaires d’une moindre importance.
Des compétences pourraient être attribuées au T.P.I. en matière préjudicielle.
Mais le principal défi reste l’élargissement de l’Union européenne :
Faut-il garder la règle tacite qui attribue à chaque État, un juge ? Nombreux sont ceux qui souhaitent éviter des séances plénières de 25 juges, considérées comme ingérables.
Toute modification du règlement de la Cour est soumise à l’approbation unanime du Conseil (art. 245 C.E.). Or une telle exigence pourrait paralyser, dans une Europe élargie, la procédure de modification. La Cour souhaite donc être habilitée à adopter son propre règlement. Cela va-t-il se faire ?