Tous les biens, qu’ils s’agissent de biens corporels (ou choses) ou de biens incorporels (ou droits) font l’objet d’une classification de biens meubles ou immeubles. Ce qu’énonce, en une formule concise, l’article 516 du Code civil : « tous les biens sont meubles ou immeubles ».
Rien n’est plus normal pour les biens corporels, par sa nature même, une chose est mobilière ou immobilière. En revanche, un droit, notion immatérielle, n’est en soi, ni meuble, ni immeuble.
Cette distinction entraîne des différences de régime entre les biens considérés soit meubles ou soit immeubles. Elles s’ordonnent autour de deux grandes idées :
Mais aussi, par la multiplication des valeurs mobilières ou titres négociables en bourse (actions, obligations, titres participatifs, certificats d’investissements), émis par l’État, les sociétés industrielles ou commerciales qui peuvent représenter aujourd’hui des fortunes considérables, alors qu’elles n’existaient pratiquement pas à l’époque de la rédaction du Code civil en 1804.
Et enfin, n’oublions pas que ces dernières années nous avons assisté à une véritable ruée sur les oeuvres d’art, les collections d’objet à priori sans valeur telles les boites en fer blanc par exemple.
«Il en est résulté de ce changement économique que la loi française, pour avoir conservé ses tendances anciennes, s’est trouvé en désaccord avec les faits et ce désaccord a été d’autant plus grave que, dans le Code civil, la distinction entre les meubles et les immeubles se fonde- sur les différences, entre les caractéristiques physiques des biens». Ripert et Boulanger, Traité de Droit civil.
Nous trouvons les textes s’appliquant aux immeubles aux articles 517 à 535 du Code civil et aux meubles aux articles 527 à 536 du même code.
Au vu de ces premières considérations il apparaît qu’il y a lieu d’examiner, d’une part l’application de cette distinction aux choses, puis aux droits, et d’autre part les intérêts pratiques de cette distinction.
Meubles et immeubles par nature - Ici la distinction correspond à une réalité concrète, le critère est la fixité ou la mobilité du bien : donnée purement physique.
Ces deux derniers exemples peuvent être considérés également comme meubles par anticipation. Ce sont effectivement des immeubles par nature que l’on traitera comme des meubles parce qu’ils sont destinés à être détachés de l’immeuble, dans un futur proche.
Mais ce critère physique n’est pas le seul. Le Code civil dans son article 517 consacre l’existence d’une autre catégorie : celle des immeubles par destination. Ce sont des biens qui par leur nature physique sont des meubles juridiquement considérés comme des immeubles car ils sont l’accessoire d’un immeuble, à l’utilisation duquel ils sont affectés : ainsi les volets d’une maison ou les machines utilisées pour l’exploitation d’une ferme.
Le but de cette fiction juridique est d’éviter la dissociation de ce qui économiquement, forme un tout. Aussi l’immobilisation suppose-t-elle comme première condition, qu’il y ait identité de propriétaire entre le meuble et l’immeuble. La seconde condition n’est autre que la volonté de créer un lien entre ces deux biens et la troisième condition l’existence d’un rapport de destination entre le meuble et l’immeuble. Ce lien de distinction peut présenter deux aspects :
Les droits immobiliers sont appelés par le Code civil : immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent (art. 526 du Code civil) ; les droit mobiliers : meubles par détermination de la loi (art. 527 et .529 du Code civil).
Parmi les droits mobiliers, le Code civil (art. 529) cite spécialement les actions ou intérêts dans les sociétés. Ont le caractère mobilier, les obligations émises par les sociétés et les emprunts émis par l’État ou autres collectivités publiques, il en résulte que tous les titres de bourse sont des meubles.
Caractère mobilier des propriétés incorporelles (marques, brevets, savoir-faire) - Il est encore plus artificiel de faire entrer les propriétés incorporelles soit dans la catégorie des meubles, soit dans celles des immeubles. Détachés de tout support matériel, ces droits n’ont, en soi, ni l’une ni l’autre nature. Pourtant la jurisprudence les a toujours considérés comme mobiliers.Cette distinction que le Code civil opère entre les biens a un intérêt capital à divers titres.
Ainsi, le transfert de la propriété d’un immeuble est soumis à des formalités de publicité ainsi que tous les actes qui créent ou modifient des droits réels sur un immeuble, tels que constitution d’usufruit, d’hypothèque.
Ces formalités dites de publicité foncière sont faciles à mettre en oeuvre, parce qu’on peut les accomplir en un lieu déterminé: celui de la situation de l’immeuble, plus précisément, à la conservation des hypothèques dans le ressort de laquelle l’immeuble est situé.
La même publicité ne se conçoit pas pour le transfert de la propriété d’un meuble, ou du fait de la mobilité de celui-ci. On ne saurait pas comment l’organiser. Mais, lorsque le meuble peut être situé à un siège fixe, la loi organise une publicité. Il en est ainsi, notamment pour les meubles immatriculés : automobiles, avions, bateaux, navires... Pareillement, pour la possession, fait d’avoir la maîtrise d’un bien, indépendamment du point de savoir si l’on en est vraiment propriétaire.
Pour les immeubles, la propriété est reconnue à celui qui présente « les présomptions de propriété les meilleures et les plus caractérisées ». La possession ne confère la propriété que par un long délai : celui de la prescription, acquisition ou usucapion. Devient propriétaire d’un immeuble celui qui l’a détenu, même de mauvaise foi, en vertu d’une possession exempte de vice pendant trente ans; la durée de la possession est ramenée à dix ou vingt ans si l’intéressé jouissait « d’un juste titre et était de bonne foi » (art. 2265 du Code civil) ou si le propriétaire de l’immeuble habite le même ressort de la Cour d’appel où l’immeuble est situé.
Il s’ensuit que celui qui a acheté l’immeuble à quelqu’un qui n’en était pas propriétaire ne le devient pas lui-même. Cette logique s’exprime dans un adage célèbre « personne ne peut transmettre à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même » et ce qui n’est pas pour autant contraire à la sécurité des transactions, car l’acheteur peut facilement se renseigner sur les droits du vendeur en recherchant « l’origine de propriété de l’immeuble ».
Pour les meubles, dont l’acquisition ne laisse généralement pas de trace, on a donc été conduit à confondre, pratiquement, propriété et possession. Celui qui achète un meuble en devient propriétaire, même si le vendeur ne l’était pas, pourvu toutefois qu’il soit entré en possession, effective et qu’il soit de bonne foi (qu’il ait ignoré le défaut de droit du vendeur) d’où la célèbre règle : « en fait de meubles, possession vaut titre » (art. 2279 du Code civil).
Différences aussi dans la constitution des sûretés. Les immeubles, donnés en garantie d’une créance sont soumis à l’hypothèque, voir antichrèse les meubles sont donnés en gage, nantissement.La rescision pour lésion est admise, pour les ventes d’immeubles lorsque le vendeur est lésé de plus des 7/12 et agit moins de deux ans après le jour de la vente, elle ne l’est pas pour les ventes de meubles.
Et enfin, en matière fiscale, les droits de mutation perçus à l’occasion des cessions d’immeubles sont beaucoup plus élevés que ceux dus sur les cessions de meubles. Ainsi, pour les droits d’enregistrement, les taux varient en fonction de la nature juridique des opérations même si les effets économiques sont équivalents (par exemple la cession d’un immeuble professionnel coûte presque 20% tandis que la cession des parts sociales d’une société civile immobilière ne coûte que 4,80%).
D’autres taxes sont spécifiques aux immeubles: la taxe foncière et la taxe d’habitation, et donc non applicables aux meubles.
Pour conclure, il est un impôt qui vient confirmer l’abandon de la théorie des différences fondées sur la valeur économique des deux sortes de biens, c’est l’impôt institué par l’article 26 de la loi de finances pour 89 connu sous le nom « I.S.F . » (Impôt Solidarité sur la Fortune) puisqu’il impose l’ensemble des biens qu’il soit meuble ou immeuble: "us mobilis, us vilis n’est plus d’actualité. L’imposition porte même sur les meubles meublants à quelques exceptions près. Ainsi, de l’analyse aux exonérations, il ressort une nouvelle classification dont les critères ne sont pas dans le Code civil : les objets d’antiquités d’art ou de collection !
Sources : Alex Weill, droit civil des biens, Dalloz Jacques Flour, Droit civil, Vol. I, Colin, Barthélémy Mercadal, Initiation au droit des affaires, F. Lefebvre M. Fontaine, Principes et techniques du droit.