L’IMMEUBLE EN DROIT

Le mot « immeuble » vient du latin « immobilis » qui signifie « immobile » et désigne quelque chose d’immobile.

Les textes s’appliquant aux immeubles se trouvent essentiellement dans le Code civil aux articles 51é à 535.

Le Code civil, selon l’article 51é, classe les biens, choses corporelles ou choses incorporelles comme les droits qui peuvent porter sur ces choses, en deux catégories : meubles ou immeubles.

Cette classification et cette distinction sont représentatives de régimes différents.

Le Code civil ne donne pas de définition de l’immeuble, ni ne précise le sens de ce mot, mais distingue, selon l’article 517 de ce même Code, trois catégories d’immeubles : 

« Les biens sont immeubles, 
ou par leur nature, 
ou par leur destination,
ou par l’objet auquel ils s’appliquent ».

Ou alors les biens sont meubles.

La doctrine, au sein d’ouvrages de portée distincte, propose une définition de l’immeuble totalement différente. : 
« Droit des immeubles, le droit immobilier englobe et rend compte de toutes les relations juridiques qui peuvent se nouer à propos des immeubles et de toutes les règles qui régissent les immeubles » (J. Chapuisat).

« Les immeubles, locaux et terrains dont l’entreprise a besoin, sont régis par diverses dispositions incluses dans le Code civil (articles 516 à 707), dans le Code de l’urbanisme, dans le Code de la construction et de l’habitation, dans le Code du domaine public de l’État » (B. Mercadal).

L’immeuble en droit, le droit de l’immeuble, le droit immobilier, le droit de la propriété,... Immeuble, fonds de terre, sol, terrain, bâtiment ouvrage,... Autant de mots, autant d’expressions pour qualifier l’immeuble et concernant l’évolution, à travers les âges, des droits et des techniques qui s’y rattachent. Autant de régimes particuliers ou spécifiques, juridiques et fiscaux, autant de divergences avec les meubles, autant d’intérêt de débattre de l’immeuble en droit.

Selon les époques, les pays et les coutumes, la notion d’immeuble, de propriété est différente.

Dans les sociétés primitives, il n’est pas question d’une appropriation du sol. Cela tient sans doute aux conditions de vie où les groupes humains sont itinérants.

Chez les Romains, la propriété individuelle n’apparaît pas avec la sédentarisation des tribus. La transformation de la propriété collective en propriété proprement individuelle naît tardivement. Il y eut d’abord un simple partage temporaire de jouissance, puis ce fut l’existence de la propriété individuelle et perpétuelle du « pater familias », dont notre droit est issu. Si le droit romain reconnaît un caractère absolu à la propriété, il lui attribue aussi quelques restrictions, notamment le « servus » dont découlent nos servitudes.

Pour l’Islam, le Coran (VII.125) souligne l’origine choisie de la propriété : « la terre est à Allah et il en fait hériter qui il veut parmi ses serviteurs ». D’où la difficulté d’appliquer la socialisation des sols en pays musulmans.

En droit Malgache, par coutume, le droit de la terre est davantage un droit des personnes qu’un droit des biens comme le souligne un dicton local : « la terre nourrit les vivants et entoure les morts ».

L’immeuble en droit français naît à la fois du droit romain et des coutumes et usages liés au développement de la propriété foncière, puis de la propriété immobilière, au cours de l’histoire.

Pour des raisons purement économiques et souvent lucratives, le régime féodal connaissait déjà : 

En Angleterre, aujourd’hui, l’ensemble des terres appartient, en principe, à la Couronne. Les particuliers ne les détiennent qu’à titre de « tenure », comme sous le régime féodal français où les seigneurs, propriétaires de territoire immense dont ils tiraient difficilement parti, en concédaient la jouissance à des tenanciers (complexum feudale).

L’ancien Droit a aussi été très marqué par les coutumes germaniques qui laissaient une place importante à la propriété familiale et dont l’idée principale était la conservation des biens dans la famille, par exemple en protégeant la fortune immobilière des incapables, en créant l’inaliénabilité totale, le remploi (achat d’un bien avec des capitaux provenant de la vente d’un autre bien), le retrait successoral ou lignager (faculté accordée à une personne de se substituer à une autre et de s’approprier le bénéfice d’une opération lorsqu’elle a été conclue),…

Pourtant le régime féodal allie très rapidement à la propriété absolue, la propriété collective des biens communaux qui est rendue nécessaire, à l’époque, par le mode de vie et d’exploitation des terres agricoles.

Dès 1789, la Révolution française, par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, proclame que la propriété est un droit de l’homme, naturel et imprescriptible, inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé sauf nécessité publique. Ainsi dès 1791, l’Assemb1ée constituante supprime le droit de vaine pâture, et dès 1804, l’article 647 du Code civil autorise : « tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l’exception portée en l’article 682 », c’est-à-dire le droit de passage.

A partir de la seconde partie du XIXè siècle, les pensées socialiste et marxiste oeuvrent pour aboutir, au XXè siècle, notamment dans certains pays de l’est de l’Europe à la socialisation de certains biens comme les moyens de productions en Pologne, voire des sols comme en Russie.

Le Droit moderne et la législation contemporaine ont fait évoluer le droit de l’immeuble avec le lotissement, l’indivision des parties communes d’un ensemble immobilier ou copropriété, ont restreint ou supprimé le droit de l’immeuble comme la nationalisation, la réquisition ou la confiscation, la cession forcée, ou encore le droit de propriété dans un intérêt collectif comme l’échange obligatoire en cas de remembrement ou le droit d’expropriation. D’autres textes ont réglementé et organisé le droit de construire : le R.N.U., les P.O.S., les P.A.Z., les Z.P.P.A.U., les lois sur la protection des sites et monuments…

De nos jours, on le voit, le droit de l’immeuble est très vaste et très varié.

En conséquence, nous limiterons notre étude au droit de l’immeuble sous trois aspects que nous examinerons successivement et brièvement : 

I. LES CHOSES CORPORELLES : IMMEUBLES PAR NATURE ET DESTINATION 

A) Les Immeubles par Nature 

À l’origine, l’immeuble authentique, c’est la terre et ce qui fait corps avec elle.

L’article 518 du Code civil précise : «les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par nature». C’est-à-dire le sol et tout ce qui y est incorporé, le sous-sol, les mines (article 24 du Code minier), le droit de concession portant sur une mine (article 36 du Code minier), le droit au bénéfice d’un arrêté ministériel autorisant d’exploiter une source d’eau minérale (Cass. civ. 15 Juillet 1952, recueil Dalloz 19~2.702).

Mais les immeubles par nature, c’est aussi le sol, sa surface, tout ce qui est fixé ou posé au sol, les végétaux, les bâtiments, même temporaires ou démontables, ainsi que toutes les parties ou éléments d’un bâtiment formant un tout avec celui-ci, tels que les planchers, les gaines électriques, une récolte ou des fruits non cueillis, ...

Par contre ces éléments, une fois séparés de l’immeuble, redeviennent des meubles. Ce sont donc des meubles par anticipation, comme le déclare l’arrêt rendu par la 3è Chambre civile de la Cour de Cassation, le 10 mai 1969, sur la cession du droit d’extraction de sable, de gravier, de matériaux de carrières,... qui peuvent constituer une vente sur des matériaux considérés dans leur état de futurs meubles (Jurisclasseur périodique, Semaine juridique, 1970 II.16.173, note Hubrecht).

B) Les Immeubles par Destination 

L’article 524 du Code civil définit les immeubles par destination comme « Les animaux et les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds […] ». «Sont aussi des immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure».

Il s’agit d’un artifice juridique.

En effet, les immeubles par destination peuvent être considérés comme l’accessoire d’un immeuble. Ce sont des meubles par nature, c’est-à-dire des choses mobiles qui se déplacent par elle-même (animaux) ou par l’effet d’une force étrangère (choses inanimées), juridiquement considérés comme des immeubles, car ils sont l’accessoire d’un immeuble par nature, tels les volets d’une maison ou les machines attachées à une terre agricole. Ainsi un bœuf est réputé immeuble dès lors qu’il est affecté au labour d’un fonds par le commun propriétaire ou un bois est traité comme meuble par anticipation s’il est aménagé en coupe et sur le point d’être abattu même si certains de ces arbres sont de haute futaie (Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 24 novembre 1981, Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation IV, n° 408). Mais il a été aussi jugé qu’une vente d’arbres à abattre est une vente immobilière assujettie à publicité foncière. 

Pour qu’un meuble soit immobilisé par destination, il doit remplir trois conditions :

Ce lien peut se présenter sous deux aspects : 

Les effets de l’immobilisation par destination entraînent qu’en cas de vente de l’immeuble par nature, les immeubles par destination sont considérer comme aliéner en même temps que l’immeuble par nature, à moins qu’une clause contractuelle ne stipule le contraire.

De même, en cas de voie d’exécution forcée, l’immeuble par destination restera affecté à l’immeuble par nature et sera saisi avec lui.

II. LES DROITS EXERCES SUR LES CHOSES CORPORELLES : IMMEUBLES PAR L’OBJET AUQUEL ILS S’APPLIQUENT

Les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent sont des droits exercés sur des choses corporelles et considérés comme des immeubles parce que leur objet à un caractère immobilier, comme les droits réels immobiliers, principaux, droit de propriété et ses démembrements, et accessoires, hypothèque et privilèges.

L’article 526 du Code civil indique que :

«Sont immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent : 
- l’usufruit des choses immobilières, 
- les servitudes ou services fonciers, 
- les actions qui tendent à revendiquer un immeuble». 

Il est complété par l’article 543 du même Code civil qui précise : 

«On peut avoir sur les biens, 
- ou un droit de propriété,
- ou un simple droit de jouissance,
ou seulement des services fonciers à prétendre». 

A) Acquisition et Perte de l’Immeuble. Limitation et Restriction au Droit de Propriété et Action en Revendication 

1) Acquisition de la propriété : 

L’article 544 du Code civil définit la propriété comme «le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu que l’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements».

Pour un meuble, la propriété s’acquiert par la possession selon l’article 2279 du Code civil : «En fait de meubles, la possession vaut titre». Il en va différemment pour l’immeuble.

Les modes d’acquisition de l’immeuble sont divers et variés. Ils résultent soit d’actes juridiques (contrat d’achat ou de vente d’un bien, testament ou donation, ...), soit de faits juridiques (possession, succession ab intestat, ...). Ces modes d’acquisition, définis aux articles 711 et 712 du Code civil, sont les suivants :

  1. héritage par succession « ab intestat » ou testamentaire,
  2. effet des obligations : contrat à titre onéreux comme la vente ou l’échange, la location-accession, l’apport en société, ou contrat à titre gratuit comme la donation entre vifs, ...
  3. prescription acquisitive ou usucapion,
  4. accession,
  5. occupation,
  6. effet de la loi : acquisition de la mitoyenneté d’un mur ou d’une servitude.

L’accession, définie à l’article 546 du Code civil, est l’extension du droit de propriété aux choses mobilières ou immobilières réputées accessoires qui s’unissent à la chose présumée principale, soit naturellement, soit artificiellement. Par exemple les alluvions qui sont des dépôts de terre apportés par un cours d’eau et accroissent la propriété du riverain ou la construction sur terrain d’autrui qui permet au propriétaire du sol de devenir propriétaire des matériaux et de la construction par accession.

Par contre, l’avulsion qui est l’accrue de terrain formé par déplacement brusque d’une partie considérable et reconnaissable d’un champ riverain ne donne lieu à accession qu’à défaut de revendication dans le délai d’un an.

L’accession ne doit pas être confondue avec l’empiétement sur terrain d’autrui ou la voie de fait.

L’occupation par prescription acquisitive ou usucapion permet d’acquérir un immeuble. Cette possession doit être ininterrompue pendant trente ans et exempte de vice, pendant ce laps de temps, même si elle est de mauvaise foi.

2) Perte, limitation et restriction du droit de propriété :

La propriété peut se perdre par la disparition de la chose, par la renonciation du propriétaire ou par l’effet d’une cession forcée en vertu de la loi.

L’article 713 du Code civil précise que les biens vacants, sans maître ou en déshérence appartiennent et restent acquis à l’État.

La propriété ne se perd pas par le non-usage hormis le cas des terres incultes précisés aux articles 39 et 45 du Code rural, par contre il existe de nombreuses limitations et restrictions au droit de propriété.

En matière de meuble, les limites de la chose, objet du droit de propriété, ne présentent pas d’importance, alors qu’en matière d’immeuble, on distingue : 

Mais, au droit de propriété qui est imprescriptible et inaliénable, s’opposent, aussi, des restrictions qui peuvent être de trois ordres. Conformément à l’article 34 de la Constitution, elles ne peuvent être ni arbitraires, ni abusives.

  1. les restrictions d’intérêt public, comme les nationalisations, les réquisitions, la réorganisation foncière, le passage de canalisations et de lignes, le droit d’expropriation et le droit de préemption, ... Ces mutations forcées constituent des atteintes au libre exercice du droit de propriété, mais connaissent aussi des compensations et garanties comme le droit à rétrocession et le droit de délaissement.
  2. les restrictions d’intérêt privé dans lesquelles on retrouve le droit de préemption, les servitudes, les clauses d’inaliénabilité, les troubles de voisinage qui s’assimilent à des restrictions d’ordre jurisprudentiel.
  3. les restrictions collectives comme l’indivision, la mitoyenneté, la copropriété des immeubles bâtis, les fonds communs de placement et de créance.

Il existe aussi des procédés typiques :

3) Action en revendication :

L’action en revendication est une action en justice accordée à tout propriétaire pour faire reconnaître son titre. Elle suppose que le droit de propriété est contesté.

Pour les meubles et pour le possesseur de bonne foi, l’action en revendication peut s’exercer pendant un délai de trois ans à compter du jour du vol ou de la disparition du meuble.

Par contre l’action en revendication en matière d’immeuble est imprescriptible, sauf cas où un tiers est entré en possession par prescription acquisitive, à moins que la possession n’ait été exercée à titre précaire ou qu’elle soit entachée d’un vice.

B) Démembrements du Droit de Propriété

Alors que le droit de propriété comporte trois prérogatives : usus ou droit d’user de la chose, fructus ou droit de percevoir les fruits et les produits de la chose et abusus ou droit de disposer de la chose, certains droits réels appelés démembrements du droit de propriété ne confèrent à leur titulaire qu’une partie de ces attributs.

1) L’usufruit 
L’usufruit est un droit temporaire et viager qui permet à son propriétaire d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits, mais ne l’autorise pas à en disposer, lequel droit appartient au nu-propriétaire, ainsi que les produits.

2) Le droit d’usage
C’est un droit qui confère à son titulaire, l’usager, le droit d’utiliser la chose et d’en percevoir les fruits, mais uniquement dans les limites de ses besoins et de ceux de sa famille.

3) Le droit d’habitation
Le droit d’habitation est un droit à l’usage d’un immeuble reconnu à une personne déterminée qui peut l’utiliser.

4) Les servitudes foncières
Selon l’article 637 du Code civil, les servitudes sont des charges imposées sur un héritage, un immeuble, bâti ou non bâti, le fonds servant, pour l’usage et l’utilité d’un autre héritage ou au profit d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire distinct, le fonds dominant.

Le Code civil distingue trois catégories de servitudes :

Selon leur nature, ces servitudes s’acquièrent par titre ou par possession trentenaire.

Au contraire de la propriété, les servitudes cessent par le non-usage pendant trente ans ou la réunion dans une même main des fonds servant et dominant. 

5) Le bail emphytéotique 
Alors que la concession ne transfère qu’un droit personnel au concessionnaire, l’emphytéose ou bail emphytéotique sous sa forme actuelle crée des droits réels principaux entre bailleur et preneur.
Le bail emphytéotique est un bail à longue durée de 18 à 99 ans portant sur un immeuble et conférant à son titulaire, le preneur, un droit réel. Exemple : l’université de Vincennes.

6) Le droit de superficie 
C’est un droit de propriété qui s’étend sur la surface du sol, les immeubles bâtis et les plantations, mais qui ne s’étend pas au sous-sol, celui-ci appartenant au tréfoncier.

7) Le bail à construction
C’est un contrat de longue durée comme le bail emphytéotique par lequel le preneur s’engage à édifier des constructions sur le terrain dont il a la jouissance : il bénéficie du droit de superficie.

8) Le bail à réhabilitation
C’est un contrat d’une durée minimale de douze ans par lequel un immeuble est loué à un preneur en vue de son amélioration par des travaux, de sa location à usage d’habitation à des personnes défavorisées et sa restitution en fin de bail au propriétaire en bon état d’entretien (Chapitre II, loi n° 90-449 du 31 Mai 1990).

C) Les Droits Réels Accessoires Immobiliers : Hypothèque et Privilèges

1) Hypothèque et antichrèse 

L’hypothèque qu’il ne faut pas confondre avec les sûretés mobilières d’origine conventionnelle est un droit réel accessoire grevant un immeuble et constitué au profit d’un créancier en garantie du paiement de la dette.

Définie à l’article 2114 du Code civil, c’est une sûreté qui peut porter soit sur des immeubles, soit sur certains meubles : aéronefs, bateaux, navires.

Une sûreté est une garantie accordée au créancier pour le recouvrement de sa créance. Elle est réelle lorsque certains biens du débiteur garantissent le paiement de la créance de sorte que, en cas de défaillance du débiteur, le produit de la vente de ces biens est remis, au créancier par préférence au créancier chirographaire.

L’hypothèque, qui n’entraîne pas le dessaisissement du propriétaire, autorise le créancier non payé à l’échéance à faire saisir et vendre l’immeuble en quelque main qu’il se trouve (droit de suite) et à se payer sur le prix avant les créanciers chirographaires (droit de préférence). Ainsi le propriétaire reste en possession de l’immeuble et peut l’aliéner, ce qui n’est pas le cas pour un meuble donné en gage ou en nantissement, car, dans ce contrat mobilier, le propriétaire est dépossédé de son meuble qu’il remet à son créancier en garantie de sa dette.

L’antichrèse est aussi une sûreté, mais contrairement à l’hypothèque, c’est une sûreté réelle où le débiteur remet la possession de l’immeuble au créancier permettant à celui-ci d’en imputer annuellement les fruits et les revenus d’abord sur les intérêts, ensuite sur le capital de sa créance, jusqu’au règlement de cette dernière.

2) Les privilèges

Un privilège est un droit que la loi reconnaît à un créancier. Le Code civil distingue les privilèges spéciaux immobiliers (article 2103) des privilèges généraux immobiliers (article 2104).

Les seconds donnent au créancier un droit de préférence sur l’ensemble des biens du débiteur même s’ils sont hypothéqués, d’abord sur les meubles, ensuite sur les immeubles.

Les premiers portent sur certains immeubles déterminés : privilège du vendeur d’immeubles, du prêteur de deniers pour l’acquisition d’un immeuble, ... S’ils sont publiés, ils procurent au créancier droit de suite et de préférence primant sur les hypothèques, leur rang étant fixé par la loi indépendamment de leur date d’inscription.

III. LES CONSEQUENCES DU CARACTERE IMMOBILIER D’UN BIEN

L’ensemble des opérations concernant l’immeuble a des effets sur les biens ayant un caractère immobilier qui les soumettent à des protections particulières, à des actes formels, à des modes de preuve contraignants, à des actions judiciaires spécifiques, à des tribunaux différents selon la nature du litige, à des formalités de publicité, à une fiscalité spéciale, à un droit de la responsabilité adapté par rapport au droit commun.

A) Les actes

La vente est une convention qui peut être faite par acte authentique ou sous seing privé comme l’indique l’article 1582 du Code civil. Le contrat de vente immobilière répond à des formes précises établies par la loi.

B) La preuve des droits réels immobiliers

La preuve est le procédé pour l’établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence d’un acte juridique. Elle est dite légale lorsque les moyens de preuve sont préalablement déterminés et imposés par la loi. Elle est dite libre dans le cas contraire (faits et actes de commerce).

La preuve du droit de propriété n’est ni directe, ni formelle. Le prétendu propriétaire doit invoquer les actes et les faits juridiques qui rendent son droit vraisemblable. La charge de la preuve lui incombe en intendant l’action possessoire. La preuve de la propriété ou d’un autre droit réel immobilier suppose un acte authentique ou sous seing privé selon le cas.

En cas de litige, le juge est à même de déterminer la force probante de la preuve par titre ou par prescription acquisitive et une jurisprudence constante sur la preuve du droit de propriété dit que le juge de la revendication dispose d’un pouvoir souverain pour dégager les présomptions de propriété les meilleures et les plus caractérisées (Cass. civ. 3è Chambre –12 juillet 1977- Bulletin civil III, n° 311). 

C). Les actions judiciaires

Les actions judiciaires sont engagées pour protéger l’exercice du droit de propriété. Il existe trois actions possessoires, c’est-à-dire des actions tendant à protéger un fait juridique la possession ou même la détention paisible d’un immeuble, ce sont: la complainte et la dénonciation de nouvel oeuvre, la réintégrande avec dépossession par violence ou voie de fait.

Il existe aussi des actions judiciaires dites actions pétitoires qui mettent en cause l’existence d’un droit réel immobilier et permettent de revendiquer la propriété à la faveur d’un droit de suite et d’un droit de préférence.

D) Les tribunaux

Les tribunaux sont les juridictions compétentes pour régler un litige.

En cas de litige, le tribunal compétent est celui du lieu de l’immeuble, alors que pour un meuble, c’est celui du domicile du défendeur.

En matière d’expropriation, le juge foncier ou juge de l’expropriation, juge judiciaire d’une juridiction civile d’attribution du tribunal de grande instance, rend les ordonnances, fixe les indemnités et se prononce sur les réquisitions d’emprise totale, mais toute contestation sur le fond lui échappe. Il a pour rô1e de garantir les droits de l’exproprié lors du transfert de propriété. Le juge administratif n’intervient qu’en cas de recours intenté contre la déclaration d’utilité publique.

En matière de droit à construire et de permis ou d’autorisation délivrés par l’État ou une collectivité locale, c’est le tribunal administratif ou le conseil d’État qui restent compétent à moins que le litige ne porte sur une action civile comme la perte d’ensoleillement où le tribunal judiciaire est alors compétent.

En matière de bail d’immeuble, le juge de droit commun est le juge du tribunal d’instance des baux d’habitation (juge des loyers) et à usage professionnel. Par contre, en matière de baux ruraux, il existe un tribunal d’exception, tribunal paritaire des baux ruraux, présidé par le juge d’instance assisté de deux assesseurs représentant les bailleurs et de deux assesseurs représentant les fermiers et métayers.

En matière de litiges relatifs aux taxes, redevances ou participations d’urbanisme, c’est le tribunal administratif qui est compétent et statue comme en matière d’impôts directs. Si les litiges soulevés sont d’ordre fiscaux, ils relèvent du plein contentieux.

E) Les formalités de publicité

La publicité foncière permet à tout créancier de savoir si un éventuel emprunteur est propriétaire d’un immeuble et si ce bien n’est pas grevé d’hypothèques.

La publicité foncière se fait au fichier immobilier tenu par le conservateur des hypothèques dans le ressort duquel est situé l’immeuble.

C’est l’état civil des immeubles. Les actes créant ou transférant des droits réels immobiliers sont publiés au fichier immobilier pour être opposables aux tiers :

F) La fiscalité immobilière

L’État perçoit des impôts et des taxes variables et différents à l’occasion des faits et actes juridiques relatifs à la vie économique de l’immeuble : transmission de la propriété, transfert d’un bien immobilier, contrats divers, ...

Pour lutter contre la fraude, le législateur a instauré certaines mesures comme les nullités ou les présomptions. Il a aussi accordé certains privilèges au régime fiscal, la préemption qui peut être exercée par l’administration fiscale.

Les biens immobiliers sont encore soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, à certaines redevances ou participations lors de la construction (raccordement au système d’assainissement, dépassement de COS, non-réalisation d’emplacement de stationnement, ...).

De même les successions sont imposées selon la valeur du bien immobilier transmis.

G) La responsabilité

Conformément aux règles générales de la responsabilité civile, le propriétaire d’un immeuble est responsable des dommages et des préjudices causés par cet immeuble aux fonds et aux immeubles voisins.

Selon l’article 544 du Code civil, tout propriétaire a le droit de jouir et de disposer de ces biens de la manière la plus absolue à condition de ne pas en faire un usage prohibé par les lois ou les règlements ou de nature à nuire aux droits des tiers ou encore de nature à causer des dommages à la propriété d’autrui dépassant les inconvénients normaux de voisinage.

Il existe aussi des mesures pour faire cesser certain trouble comme les nuisances ou la législation sur les immeubles menaçant ruines.

Le Code civil prévoit le règlement de ces problèmes à l’article 1386 qui dispose : «un propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction».

La responsabilité du constructeur est évoquée de manière identique à l’article 1792 du Code civil.

Ainsi un propriétaire commet un abus de droit en s’opposant sans raisons valables à la démolition de constructions vétustes ayant fait l’objet de deux arrêtés de péril.

Par contre, on ne peut demander réparation d’un dommage, s’il est établi que le propriétaire connaissait ce préjudice avant de prendre possession de l’immeuble.

Bibliographie   Bernard Boubli, Alexandre Kurgansky, Bernard Stemmer - Mémento Pratique Immobilier - Éditions Juridiques Francis Lefebvre.
Jérôme Chapuisat -Cours CNAH de droit immobilier B1 : le droit de l’immeuble - Association ICH.
Code civil Dalloz
Code de l’urbanisme, Litec
Encyclopédie Universalis 1985 - Tome 15 - Article « Propriété ». Georges Liet-Veaux - Le droit de la construction - Éditions Celse
Barthélemy Mercadal et Patrice Hacqueron - Le droit des affaires en France - Éditions Juridiques Francis Lefebvre
Alex Welll -Droit Civil, les Biens - Précis Dalloz
Barthélemy Mercadal - Mémento Pratique Droit des Affaires, Rubrique Immeuble - Éditions Juridiques