LES INJONCTIONS DE FAIRE ET DE PAYER

I. GENERALITES

A) Définition

  1. Injonction de faire
    Procédure permettant d’obtenir du juge des référés une ordonnance prescrivant l’exécution en nature d’une obligation de faire, ainsi que la livraison d’une chose, la restitution d’un bien, la fourniture d’un service, dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Une procédure simplifiée permet d’obtenir du juge d’instance (dans la limite de sa compétence d’attribution), une ordonnance d’injonction de faire. Il doit s’agir d’une obligation née d’un contrat passé entre personnes n’ayant pas toutes contracté en qualité de commerçant.
    Elle vise à protéger les consommateurs en leur donnant la possibilité d’obtenir l’exécution rapide et simplifiée des obligations de faire dont ils sont créanciers. (Instituée par le décret no88-209 du 4 mars 1988, elle est régie par les articles 1425-1 à 1425-5 du NCPC).
  2. Injonction de payer
    Procédure simplifiée à l’extrême permettant de poursuivre le recouvrement des créances certaines civiles ou commerciales en obtenant du juge de proximité, du juge d’instance ou du président du tribunal de commerce la délivrance d’une injonction de payer qui, à défaut d’opposition, devient exécutoire.
    Elle est prévue par les articles 1405 à 1425 du NCPC et n’existe que devant le tribunal d’instance ou le tribunal de commerce.

B) Conditions d’application

  1. Quand utiliser cette procédure
    1. Injonction de payer :
      Cette procédure est destinée à régler rapidement et gratuitement, avec des formalités réduites, les petits litiges :
      • nés d’un contrat dès lors que le montant est déterminé,
      • si la somme qui est due est établie par une facture, une traite, un billet à ordre, une reconnaissance de dettes.

      L’injonction de payer peut également être utilisée pour recouvrer une créance si le débiteur refuse de payer.
      Exemple : une caution que l’on tarde à vous rembourser en fin de location.
    2. Injonction de faire :
      Cette procédure est destinée à régler rapidement et gratuitement, avec des formalités réduites les petits litiges nés d’un contrat dont la valeur ne dépasse pas 7.600 €, et qui vous opposent par exemple à un commerçant, un artisan, un prestataire de service ou toute autre personne avec qui vous êtes en relation contractuelle.
      Attention : cet imprimé ne peut être utilisé dans le cadre de litige entre deux commerçants.
      Quelques exemples de litiges : (un professionnel refuse d’exécuter son engagement)
      • défaut de livraison d’une marchandise ;
      • travaux défectueux ;
      • Non-respect des conditions de garanties.

      Il ne s’agit en aucun cas d’une demande en paiement d’une somme d’argent, vous disposez pour cela de l’injonction de payer.

     
  2. Où présenter la demande
    1. Injonction de payer :
      Une demande écrite, avec les documents justificatifs de la créance doit être adressée ou remise :
      • au greffe de la juridiction de proximité s’il s’agit d’une personne physique agissant pour les besoins de sa vie non-professionnelle et pour une demande en matière civile d’un montant supérieur à 1 500 €,
      • au greffe du tribunal d’instance pour une demande inférieure ou égale à 1 500 € s’il s’agit d’une personne morale ou si la personne agit pour les besoins de sa vie professionnelle, et pour une demande en matière civile d’un montant supérieur à 1 500 €,
      • au greffe du tribunal de commerce si la créance est commerciale.
      Dans une même ville, le greffe du tribunal d’instance et de la juridiction de proximité sont communs.
       
    2. Injonction de faire :
      Si le litige porte sur une obligation dont la valeur est inférieure ou égale à 1.500 € se rapportant à une action personnelle mobilière et que c’est un particulier agissant pour les besoins de votre vie non-professionnelle, la demande doit être présentée devant la juridiction de proximité du lieu du domicile de l’autre partie du contrat ou du lieu d’exécution de l’obligation.
      Il faut alors remplir l’imprimé intitulé « demande en injonction de faire au juge de proximité » puis signer et le déposer au greffe de la juridiction de proximité.
      Si le litige porte sur une obligation dont la valeur est inférieure ou égale à 1.500 € et n’entrant pas dans la compétence du juge de proximité ou si la valeur est comprise entre 1.501 et 7.600 €, la demande doit être présentée devant le tribunal d’instance du lieu du domicile de l’autre partie du contrat ou du lieu d’exécution de l’obligation. Il faut alors remplir l’imprimé intitulé « demande en injonction de faire au président du tribunal d’instance » puis signer et le déposer au greffe du tribunal d’instance.

II. PROCEDURES

A) Injonction de payer

  1. Présentation de la requête Le président peut être saisi par une lettre simple. La requête est remise ou adressée au greffe (art. 1407 du NCPC) :
    • par le créancier ou son mandataire,
    • accompagnée des documents justificatifs du pouvoir du mandataire, sauf si ce1ui-ci est avocat ou huissier de justice,
    • accompagnée des frais de greffe (si ces frais ne sont pas versés dans les 15 jours du dépôt de la requête, la demande est caduque).
    La requête comprend :
    • l’identification du créancier et du débiteur
      - Personne physique : noms, prénoms, professions, domiciles
      - Personne morale : dénomination, forme, siège social.
    • l’identification de la créance

    • - Montant, décompte des différents éléments et leur fondement (art. 1407 du NCPC).

  2. L’ordonnance :
    Le président examine les documents produits, apprécie si la demande lui paraît fondée en tout ou en partie ou s’il doit la rejeter. Il peut accorder des délais de paiement.
    • En cas de rejet total : le demandeur n’a pas de recours mais peut utiliser une procédure de droit commun, le greffe lui restituant les documents joint à la requête (art. 1409 alinéas 2 et 3 du CNPC).
    • En cas d’acceptation partielle : le créancier a le libre choix de faire signifier pour le montant accordé ou d’engager une procédure de droit commun.

  3. Signification (art. 1411 à 1413 du CNPC) :
    Dès que l’ordonnance portant injonction de payer pour la somme qu’il retient (art. 1409 al. 1) est rendue, le greffe en adresse la copie certifiée conforme au créancier ou à son mandataire. Les pièces du créancier sont conservées au greffe.
    Le créancier a l’obligation de faire signifier l’ordonnance dans les 6 mois de sa date (sous peine de caducité). Pour cela il transmet la copie conforme à un huissier de justice.
    L’huissier délivre au débiteur la signification qui doit contenir notamment :
    • Sommation d’avoir, soit à payer le montant de la somme fixée dans l’ordonnance, les intérêts et les frais de greffe, soit à former opposition ;
    • Indication du délai et des formes de l’opposition ainsi que du tribunal devant lequel elle doit être portée ;
    • Avertissement qu’il peut être pris connaissance au greffe des documents produits par le créancier et qu’à défaut d’oppositions aucun recours n’est envisageable.

  4. La délivrance du titre exécutoire (art. 1423 et 1424 du CNPC)
    Le créancier doit en faire la demande dans un délai d‘un mois à compter de l’expiration du délai d’opposition.
    Le greffe porte la formule exécutoire à la suite de la copie de l’ordonnance et l’envoie au créancier avec les documents qu’il avait conservé au greffe.
    L’original de la requête et de l’ordonnance sont conservés au greffe.
    L’ordonnance produit alors tous les effets d‘un jugement contradictoire, non susceptible d’appel, même si elle accorde des délais de paiement et c’est là tout son intérêt.

  5. L'opposition :
    La forme : par déclaration au greffe contre récépissé ou par lettre de recommandée.
    Le délai : dans le mois
    • de la signification si elle a été faite à personne ;
    • soit, si la signification n’a pas été délivrée à personne, du premier acte signifié à personne ou du premier acte d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou en partie les biens du débiteur.
    Mise au rôle : à l’acceptation par le greffier des frais d’opposition (quand il reçoit l’opposition, le greffe demande au créancier, par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception, de faire l’avance des frais d’opposition dans un délai maximum de 15 jours à peine de caducité), c’est une consignation.
    Les convocations à l’audience sont adressées par le greffe (par LRAR) à toutes les parties même si celles-ci n’ont pas formé d’opposition.
    Procédure devant le tribunal : le tribunal est saisi de tout le litige, les demandes incidentes sont possibles.
    Si une personne ne se présente pas à l’audience, le tribunal prononce l’extinction de l’instance qui rend non avenue l’ordonnance d’injonction de payer. Le jugement se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer.
    Les différences par rapport au tribunal d’instance :
    • L’opposition est portée non pas devant le président du tribunal, auteur de l’ordonnance, mais devant le tribunal de commerce.
    • Devant le tribunal de commerce, les frais de l’ordonnance portant injonction de payer sont avancés par le créancier et consignés par le greffe au plus tard dans les 15 jours de la requête à peine de caducité.
    • L’opposition du débiteur à l’ordonnance est sans frais par le greffier, mais celui-ci invite sans délai le créancier, par LRAR, à consigner les frais de l’opposition au greffe dans le délai de 15 jours à peine de caducité de sa requête initiale.

B) La procédure d’injonction de faire

Le déroulement de la procédure, introduite sur requête dans les cas prévus à l’article 1425-1 NCPC dépend de la décision que va rendre le tribunal d’instance qui peut rejeter la demande ou au contraire, faire injonction au débiteur d’exécuter l’obligation de faire invoquée.

  1. Rejet de la demande
    Si au vu des documents produits, la demande ne lui paraît pas fondée, le tribunal la rejette et restitue la requête et les pièces jointes au requérant (NCPC 1425-9). Cette décision n’est susceptible d’aucun recours sauf pour le requérant à procéder selon les voies de droit commun (NCPC, art.1425-9).
    Cette absence de tout recours, quel qu’il soit, n’est pas préjudiciable au créancier puisque celui-ci n’est en aucun cas privé du droit d’engager une procédure de droit commun devant la juridiction compétente. Il peut s’agir d’une procédure au fond ou d’un référé-injonction de faire sauf que la décision de rejet signifie généralement qu’il existe une contestation sérieuse s’opposant à la compétence du juge des référés. Mais quel que soit le choix du requérant, la procédure sera nécessairement contradictoire ab initio.
  2. Injonction de faire
    1. L’ordonnance
      Si la requête apparaît fondée au vu des documents produits, il rend une ordonnance portant sur l’injonction de faire qui doit comporter les mentions suivantes :
      • fixation de l’objet de l’obligation ainsi que le délai et les conditions dans lesquels celle-ci doit être exécutée ;
      • lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée si l’injonction n’a pas été exécutée amiablement.
      Elle n’est pas notifiée sur l’initiative du requérant, mais directement par le greffe à toutes les parties par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, doublée le même jour d’une lettre simple (NCPC, art.1425-5). Cette notification doit reproduire les articles 1425- 7 et 1425-8 NCPC, lesquels précisent les conditions de la poursuite de la procédure. Le requérant ne peut donc plus renoncer à la procédure même si éventuellement l’injonction décernée ne lui donne que partiellement satisfaction (il peut cependant demander le caducité de la demande dès la première audience).
      Selon l’article 1425-4 alinéa I, l’ordonnance n’est susceptible d’aucun recours. Cela s’explique par le fait que l’ordonnance ne produise aucun effet obligatoire :
      • ou bien le débiteur accepte d’exécuter amicalement l’injonction et elle aura atteint son but ;
      • ou bien il refuse de l’exécuter, et dans ce cas, la procédure se poursuit ce qui lui permettra de faire valoir contradictoirement tous ses moyens et prétentions.
    2. L’exécution amiable
      Le débiteur, informé de l’injonction par notification de l’ordonnance, peut décider de l’exécuter dans les délais impartis. Dans ce cas, le demandeur doit en informer le greffe (NCPC art. 1425- 7, aller). L’affaire est alors retirée du rôle.
    3. Le refus d’exécution Le refus du débiteur d’exécuter l’obligation est un droit permettant au débiteur de faire valoir ses moyens et prétentions dans la phase contradictoire débutant à l’audience fixée dans l’ordonnance, à condition cependant que le requérant persiste dans sa demande. En effet, à cette audience, la continuation de la procédure dépend de l’attitude du demandeur :
      si le demandeur ne comparait pas, sans motif légitime, le tribunal déclare caduque la procédure d’injonction de faire ;
      S’il comparait, soit à la première audience prévue dans l’ordonnance, soit à celle fixée suite au rapport de caducité, la procédure se poursuit au fond selon les règles de droit commun, de compétence et de procédure, applicables devant le tribunal d’instance.