Il a été institué par la loi du 3 janvier 1973, complétée par la loi du 24 décembre 1976, par Georges Pompidou, pour répondre à la demande d’une partie de l’opinion publique réclamant avec force un organe chargé (sur le modèle de «l’ombudsman» suédois) d’intercéder entre les administrés et l’administration.
La loi du 13 janvier 1989 est venue préciser qu’il est médiateur de la République.
Le médiateur de la République combat dans l’ombre des bureaux, des cabinets ministériels et des procédures.
Son statut n’a pas été calqué sur celui de ses « homologues » étrangers, en particulier en ce que le médiateur de la République n’est pas un organe de notre parlement. Cet organe reste attaché à l’exécutif certes, mais dans des conditions qui en font une autorité administrative indépendante.
Il est, en effet, nommé par décret, en Conseil des ministres, pour un mandat de six ans non renouvelable (ce qui le soustrait à toute pression), actuellement, c’est en réalité Monsieur Bernard Stasi, qui assume cette fonction. Ainsi, chaque année, il vole au secours de quelques dizaines de milliers d’administrés, usagers, contribuables ou justiciables, réputés citoyens et pourtant réduits par les services de l’État au triste statut de quidam.
Nommé pour 6 ans, il ne peut être mis fin à ses fonctions avant ce terme qu’en cas d’empêchement constaté (maladie, décès) par un collège composé du vice-président du Conseil d’État du Président de la Cour des comptes et du premier président de la Cour de cassation.
De part sa fonction, il bénéficie d’une immunité pour les opinions émises (dans son rapport annuel, ou lorsqu’il a recours aux médias) ou les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions ce qui a pour objet de lui forge une parfaite indépendance.
Compte tenu de cette nécessaire impartialité et indépendance, il ne peut être candidat aux élections communales, cantonales, législatives, sénatoriales de même, pour les mêmes raisons il ne peut recevoir, d’ordres ou d’instructions d’aucune autorité.
Il a nommé lui-même ses collaborateurs, et dispose des crédits suffisants pour l’accomplissement de sa mission.
Ce statut tout à fait particulier va lui permettre d’apprécier librement les recours dont il fait l’objet (I). selon une procédure assez souple, (II). et de leur donner une issue appropriée (III).
La loi du 3 janvier 1973 a donné au médiateur une compétence large. Selon l’article 1er, il «reçoit... les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l’État (Ministères) des collectivités publiques territoriales (Régions, départements, communes) des établissements publics (EPA, EPICS, EPE, etc..) et de tout autre organisme investi d’une mission de service public en particulier».
Toutes ces administrations, en particulier les organismes privés chargés d’une mission de service public (CPAM) peuvent être mis en cause aussi bien que les personnes publiques, en raison de leurs relations avec les administrés.
Ceux-ci n’étaient initialement que les personnes physiques. La loi de 1976 a procédé à une certaine extension en admettant les réclamations présentées au nom d’une personne morale par une personne physique ayant elle-même un intérêt direct à agir. Restent cependant exclues les personnes morales dont l’intérêt propre est seul en cause, indépendamment de celui de la personne physique qui les représente.
Le fonctionnement des administrations dans leurs relations avec les administrés doit être l’objet de la réclamation. La formule est suffisamment large pour englober toutes les hypothèses où les particuliers ont à se plaindre d’un comportement des administrations à leur égard. Mais elle exclut les mauvais fonctionnements qui n’auraient pas produit d’effet sur eux.
Surtout, les différends qui peuvent s’élever contre les administrations et leurs agents, ne peuvent faire l’objet de réclamations auprès du médiateur, sauf après que les agents ont cessé leurs fonctions (art. 8 de la loi de 1973).
Enfin, si une procédure a déjà été engagée devant une juridiction à propos d’une affaire, elle exclut la possibilité de saisine du médiateur. Or la saisine du médiateur «n‘interrompt pas les délais de recours, notamment devant les juridictions compétentes» (art. 7, al. 2). Il en résulte que si un administré peut préserver ses possibilités de recours contentieux, il doit intenter celui-ci dans les délais prescrits, qui sont normalement très courts (deux mois) ; s’il engage un recours contentieux, il ne peut plus s’adresser au médiateur, et inversement. Cette solution est de nature à limiter sérieusement les possibilités de recours au médiateur.
Les administrés ne peuvent saisir directement eux-mêmes le médiateur :
Le Parlement peut également saisir lui-même le médiateur de son propre chef.
En aucun cas, les administrés n’ont un droit d’accès direct au médiateur de la république.
Saisi d’un recours, le médiateur en examine le bien-fondé. Les ministres et toutes autres autorités publiques (Présidents des Conseils régionaux, généraux, établissements publics, maires) doivent faciliter sa tâche. Ils sont tenus d’autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et éventuellement aux convocations du médiateur, et les corps de contrôle à accomplir, dans le cadre de leur compétence, les vérifications et enquêtes qu’il demande; les agents et les corps de contrôle sont tenus d’y répondre ou d’y déférer. Le médiateur peut demander au vice-président du Conseil d’État et au premier président de la Cour des comptes de faire procéder à certaines études.
Le médiateur peut demander au ministre responsable ou à l’autorité compétente de lui communiquer tout document ou dossier concernant l’affaire à propos de laquelle il fait son enquête. Le caractère secret ou confidentiel des pièces à fournir ne peut lui être opposé, sauf en matière de défense nationale, de sûreté de l’État ou de politique extérieure.
Si, pour l’instruction d’une réclamation, le médiateur dispose ainsi de pouvoirs contraignants, les mesures qu’il peut prendre pour régler la réclamation ne sont pas aussi rigoureuses.
Le plus souvent, les relations qu’il entretient avec l’administration en cause lui suffisent à obtenir la solution adéquate, si la réclamation est fondée.
Parfois, n’y parvenant pas, il doit avoir recours aux médias afin de faire pression sur les intéressés (exemple: pour contraindre un maire à verser les indemnités dues à une employée).
Il peut être nécessaire d’aller plus loin, en mettant en oeuvre des modalités juridiques. Celles-ci consistent essentiellement en des recommandations. Selon l’article 9 de la loi de 1973, « lorsqu’une réclamation lui parait justifiée, le médiateur peut faire toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et, le cas échéant, toutes les propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’organisme concerné ».
Ces recommandations peuvent aboutir à une solution en équité, voire à une modification des textes en vigueur. En effet, « lorsqu’il apparaît au médiateur à l’occasion d’une réclamation dont il a été saisi, que l’application de dispositions législatives ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut recommander à l’organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation du requérant, proposer à l’autorité compétente toutes mesures qu’il estime de nature à y remédier et suggérer les modifications qu’il lui paraît opportun d’apporter aux textes législatifs et réglementaires ».
Lorsque la réclamation porte sur l’inexécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée, il peut adresser à l’organisme en cause une injonction de s’y conformer.
Le médiateur est tenu informé de la suite donnée à ses interventions. A défaut de réponse satisfaisante, il peut rendre publiques ses observations.
Plus généralement, le rapport annuel public que le médiateur adresse au Président de la République et au Parlement lui permet de faire valoir le bilan de son activité. La publicité est donc la principale forme de sanction donnée par le médiateur. Elle assure une pression sur l’administration, mais ne garantit pas juridiquement le résultat.
Le médiateur peut provoquer des sanctions contre les agents coupables de fautes. En effet, à défaut de l’autorité compétente, il peut, en lieu et place de celle-ci, engager contre tout agent responsable une procédure disciplinaire où, le cas échéant, saisir d’une plainte, la juridiction répressive.
Mais la décision finale ne lui appartient pas : elle relève de l’autorité disciplinaire (qui peut être la même que celle qui a négligé d’engager la procédure disciplinaire) ou des tribunaux selon les cas.
Le médiateur exerce sur l’administration un contrôle qui s’assimile plus à des procédés de fait que des moyens de droit. C’est pourquoi ces décisions sont juridiquement plus nombreuses ; en particulier ses réponses aux parlementaires, par lesquels doivent lui être adressées les réclamations des administrés, ne peuvent faire l’objet d’un recours par la voie contentieuse.
Les interventions du Médiateur de la République ne sont pas toujours couronnées de succès. Loin de là. S’il a le pouvoir de présenter des recommandations, il ne peut les imposer et environ 15% de ses interventions se soldent par un échec.