L’ANÉANTISSEMENT DU CONTRAT

L’anéantissement du contrat consiste à mettre fin aux obligations contractuelles nées d’un accord entre deux ou plusieurs parties, soit par la résiliation unilatérale, soit par la résolution ou soit enfin par l’annulation du contrat.

La résiliation unilatérale est la rupture pour l’avenir d’un contrat successif, comme le contrat de bail, et ceci à l’initiative d’une seule partie et en raison de l’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou pour faute grave.

La résiliation unilatérale pour faute grave est aussi admise en République Fédérale d’Allemagne.

Quant à la résolution, elle consiste dans l’effacement rétroactif des obligations nées d’un contrat synallagmatique, comme pour la nullité, mais à la différence de la première, la nullité sanctionne un vice existant lors de la formation du contrat et non un défaut d’exécution pendant le déroulement du contrat.

Ainsi, la rupture du contrat va permettre au créancier de l’obligation d’obtenir la suppression des effets du contrat, la liquidation des rapports contractuels et la réparation du préjudice que lui a causé l’anéantissement du contrat voir l’allocation de dommages et intérêts.

Il peut en outre demander la restitution des biens ou des prestations échangés en exécution dudit contrat.

Les articles 1137, 1131,1601, 1889, 1944, 1184 et 2004 du Code civil déterminent les conditions de rupture du contrat . Ainsi il y a lieu d’examiner d’une part les conditions de l’anéantissement du contrat et d’autre part les effets et les conséquences de l’anéantissement.

I - CONDITIONS DE RUPTURES DES CONTRATS

A - La résiliation unilatérale et la résolution

En principe la résiliation unilatérale est interdite car le contrat est la loi des parties (article 1134 C. civ.) sauf dans certains cas que la loi détermine.
Exemple pour le bail. En effet, lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties peut le dénoncer à tout moment (exemple : le contrat de travail). De même lorsque les parties ont prévu au contrat une clause de résiliation unilatérale. Celle-ci permet à chaque partie ou à une partie seulement de mettre fin au contrat pour l’avenir, sans que cette décision ait à être fondée sur une faute de l’autre partie et sans avoir recours aux tribunaux, même si le contrat est conclu pour une durée déterminée.

Une partie peut aussi mettre fin au contrat, même avant le terme fixé, lorsqu’elle invoque un motif légitime, qui peut être soit l’inexécution, soit la faute grave ou la violation d’une règle d’ordre public.

Dans le cadre de l’inexécution, la rupture du contrat à l’initiative d’une partie est admise par les tribunaux lorsque l’autre partie a rendu impossible le maintien des rapports contractuels ou a mis en péril les intérêts de son cocontractant par des manquements graves à ses obligations et à la condition que l’auteur de la résiliation n’agisse pas abusivement. Ainsi, le refus d’un concessionnaire d’honorer dix sept lettres de change d’un montant global d’environ 34 millions de livres, refus qui était destiné à se poursuivre car il était presque en état de cessation des paiements, constitue une inexécution justifiant la résiliation unilatérale du contrat.

Toutefois, une partie peut mettre fin au contrat lorsque son contractant agit de mauvaise foi ou commet une faute grave. Tel est le cas lorsqu’une société tente de s’approprier frauduleusement la clientèle qu’avait créé son représentant de commerce.

De même un contrat nul de plein droit pour violation d’une règle d’ordre public peut être résilié par une partie sans que cette résiliation soit fautive, comme par exemple l’établissement d’une convention qui avait pour effet de créer entre les contractants un monopole de fait et d’imposer les prix fixés entre eux d’un commun accord.

La résolution, quant à elle, peut résulter de l’application d’une clause du contrat. Clause résolutoire de plein droit ou être décidée par le juge qui va reconnaître l’application d’une clause résolutoire. Les parties peuvent prévoir que le contrat sera résolu de plein droit si survient telle ou telle circonstance, généralement l’inexécution de ses obligations par l’un des cocontractants.

La clause résolutoire doit être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges retrouvent leur pouvoir souverain d’appréciation. Elle doit mentionner les événements dont la survenance entraînera l’extinction du contrat.

La cause de résolution couramment prévue est là aussi l’inexécution, ou l’exécution défectueuse, par un des contractants de ses obligations (de faire, de ne pas faire, de donner) ou de certaines d’entre elles.

Mais la résolution peut être prévue pour cas de force majeure, redressement judiciaire d’une partie ou modification de la situation des parties.

Il faut préciser que le bénéficiaire de la clause ne doit pas avoir renoncé à l’invoquer , car les tribunaux se montrent extrêmement exigeants pour reconnaître cette renonciation. Ainsi, ne vaut pas renonciation, l’encaissement des sommes dues, une fois acquis le jeu de la clause résolutoire.

La clause résolutoire peut être mise en jeu et entraîner la résolution du contrat dès que survient la cause de résolution prévue au contrat, comme par exemple en cas de défaut de réalisation des réparations locatives, même minimes, par le preneur ou encore le non-paiement des loyers, même si les sommes ont été consignées et si le paiement est garanti par un cautionnement.

Toutefois, le jeu de la clause peut être neutralisé, soit par un événement de force majeure, soit lorsque le bénéficiaire de la clause agit de mauvaise foi ou soit en cas d’inexécution par le bénéficiaire de ses propres obligations.

Le bénéficiaire de la clause résolutoire n’est pas tenu de recourir à la justice pour la faire exécuter dès lors qu’elle est acquise. Toutefois, si le cocontractant n’admet pas de plein gré la résolution due, le bénéficiaire doit demander en justice la constatation de celle-ci.

Cette demande peut être faite en référé devant le Président de la juridiction compétente.

Lorsque la résolution du contrat est prononcée par le juge, il s’agit d’une résolution judiciaire. Elle peut être invoquée en cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties. Elle ne peut être prononcée en principe que pour l’inexécution des contrats synallagmatiques (qui entraînent des obligations réciproques pour les cocontractants).

Elle est exclue lorsque les parties y ont renoncé par une clause expresse du contrat, sous réserve que cette renonciation ne concerne pas l’inexécution de l’obligation essentielle du contrat et qu’elle ne soit pas interdite expressément par la loi (disposition d’ordre public). La résolution judiciaire suppose une inexécution suffisamment caractérisée des obligations contractuelles, un simple manquement non conséquent ne pourra jouer.

Il en est ainsi, du refus brutal de continuer l’exécution du contrat sans motifs valables. L’inexécution doit être certaine au moment où la révocation est demandée, tel n’est pas le cas lorsque le délai contractuellement fixé pour exécuter l’obligation n’est pas encore écoulé, non arrivé à son terme.

 

B. L’annulation du contrat

Le contrat est annulé lorsqu’il est rétroactivement anéanti pour défaut d’une des conditions de validité du contrat tels que l’objet, la cause, la capacité et le consentement (article 1108 du code civil).

Il est établi que le régime des nullités est fonction de deux qualifications fondamentales desquelles se déduisent automatiquement deux séries de règles indissociables d’une part, les nullités relatives qui sanctionnent la violation d’une règle protectrice d’un intérêt privé et d’autre part, les nullités absolues qui sanctionnent la violation d’une règle protectrice d’un intérêt général.

L’intérêt général touchant à l’ordre public, la loi précise parfois expressément que telle irrégularité entraîne la nullité du contrat, ou fixe formellement les conditions dans lesquelles un contrat déterminé est annulable.

Le plus souvent, la loi ne prescrit pas la nullité de l’acte contraire à la règle violée. Les tribunaux sont alors souverains pour décider, cas par cas, si cette transgression de la loi doit entraîner la nullité de cet acte.

La nullité du contrat doit être prononcée par le juge lorsque la loi dispose expressément que le contrat est nul. Dans les autres cas, les juges, en présence d’une cause de nullité, n’annule le contrat que dans certains cas.

Si l’irrégularité affecte une stipulation qui est la cause impulsive et déterminante du contrat, les juges de fond apprécient souverainement l’existence d’une cause déterminante, mais doivent prononcer la nullité dès lors qu’ils l’ont constatée.

Ainsi, lorsque la volonté d’une partie a été altérée, celle-ci peut recourir au défaut ou au vice du consentement. L’absence de consentement d’une partie au contrat entraîne l’annulation du contrat par sa nullité absolue. La prescription de l’action est trentenaire. Quant aux vices du consentement, (lésion, violence, dol, erreur) ils ont pour effet d’entraîner la nullité du contrat, nullité relative dont l’action se prescrit par cinq années. Ainsi il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol c’est à dire une manœuvres déterminante et frauduleuse, pratiquée par une partie dans l’intention de tromper un cocontractant.

Toutefois pour contracter valablement les parties doivent jouir de la capacité requise par la loi qui est l’aptitude d’une personne physique ou morale à être titulaire de droits et de pouvoir les exercer librement.

Le contrat doit avoir un objet et une cause. L’objet est la chose sur laquelle les parties au contrat s’engagent, et la cause est la raison, le motif pour lequel les parties s’obligent et s’engagent au contrat.

Le contrat, dont la chose ou le prix n’existent pas, donc indéterminable, au moment de sa conclusion, est entaché de nullité absolue, de même si l’objet est irréel et illicite ou pas dans le commerce.

Quant à la cause, elle est la raison déterminante pour laquelle on s’engage dans un lien contractuel. L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet.

 

II - LES EFFETS ET LES CONSÉQUENCES DE LA RUPTURE DU CONTRAT

A. La résiliation unilatérale et la résolution

Le contrat cesse de produire effet, lorsqu’il a été résilié par un contractant, à la date de la résiliation. Si une clause organise la résiliation unilatérale, les parties peuvent y régler les conséquences de la rupture, notamment par l’ouverture d’un délai pour la recherche d’un accord, par l’éventualité de l’attribution d’une indemnité à la partie qui subit la mesure, le sort des commandes en cours au moment de la décision et leur règlement, par le paiement des prestations exécutées mais non encore réglées, par le renvoi à un arbitre pour liquider les rapports des parties.

A défaut d’une telle clause, les rapports des parties doivent être apurés sur la base des règles de liquidation des rapports contractuels. Les règles applicables en cas d’annulation de contrat à prestations successives doivent être ici transposées par analogie puisque la situation à régir est identique, le contrat ne pouvant disparaître que pour l’avenir. Il s’ensuit notamment que chaque partie a droit à une indemnité pour les prestations faites, considérant cette solution comme une règle de droit résultant d’un usage du commerce international s’imposant avec la force de l’évidence.

Ainsi, l’auteur d’une résiliation injustifiée ne doit pas de dommages-intérêts si le cocontractant n’a pas subi de préjudice (dommage).

Cependant les parties peuvent obtenir une indemnité même lorsque la résiliation est prononcée aux torts réciproques, dès lors qu’un préjudice en est résulté pour elles ou pour l’une d’elles. Enfin, si la résiliation entraîne un trouble manifestement illicite pour la partie qui la subit, celle-ci peut demander en référé la cessation de ce trouble.

En principe, la résolution, quant à elle, entraîne la remise des choses au même état que si le contrat n’avait pas existé, donc restitution entre les parties et allocation de dommages-intérêts si elle cause un préjudice au demandeur. Si deux contrats sont juridiquement liés, la résolution de l’un peut entraîner celle du second, par exemple la résolution d’une vente entraîne celle du contrat de crédit-bail destiné à l’acquisition du bien, ce dernier étant devenu sans cause.

L’anéantissement du contrat résolu ne peut pas être évité par conversion de ce contrat en un autre contrat. Le contrat résolu n’ayant en principe pas produit d’effets, les choses doivent être remises en l’état antérieur au contrat, par exemple le cas où il y a lieu à remise en l’état

Ainsi la remise des choses au même état que si le contrat n’avait pas existé peut être en principe décidée par le juge à propos de tout contrat, dès lors qu’elle lui parait la sanction appropriée du contrat.

Lorsqu’il prononce la résolution, le juge ne peut pas, en revanche, refuser la remise en l’état.

En ce qui concerne la remise en l’état, chaque partie doit restituer à l’autre ce qu’elle a, le cas échéant, reçu d’elle. Ainsi en cas de résolution de la vente d’un fonds de commerce, l’acquéreur est réputé n’avoir jamais été propriétaire du fonds, ni locataire du local dans lequel celui-ci est exploité ; le vendeur doit restituer l’intégralité du prix qu’il a reçu, à moins que la chose ne se soit dépréciée par le fait de l’acheteur alors qu’elle était en sa possession.

Quant aux dommages et intérêts, ils sont mis à la charge de la partie défaillante ou, en cas de résolution aux torts réciproques des deux parties, à la charge de chacune selon ses torts. Ils sont naturellement fonction du préjudice subi par le bénéficiaire de la résolution.

 

B. L’annulation du contrat

À compter du jour où la nullité est prononcée et seulement à cette date, le contrat est privé de toute efficacité juridique tant pour l’avenir que pour le passé.

Il s’ensuit qu’aucune clause du contrat ne peut recevoir d’exécution comme par exemple les clauses de non-concurrence ou encore les clauses pénales.

Le juge ne peut pas condamner une partie à réparation en se fondant sur une clause de contrat annulé, lui faisant ainsi produire un effet après l’avoir déclaré nul.

Les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat; chacune doit restituer à l’autre ce qu’elle a, le cas échéant, reçu d’elle.

Dans certaines circonstances, la remise en état parfaite est impossible. En particulier c’est le cas de contrat à exécution successive ou de contrat exécuté, la nullité n’entraîne pas l’anéantissement rétroactif des prestations fournies, chaque partie obtenant une indemnisation en proportion des prestations qu’elle a fournies.

Dans le cas où l’objet à restituer a été perdu, sauf si la perte est due à la force majeure, il y a seulement lieu à restitution d’une partie du prix de cession. Dans le cas où un contrat conclu avec un incapable est annulé, ce dernier n’est pas tenu de restituer ce qu’il a reçu, sauf s’il en a tiré profit et s’il l’a encore. La restitution est en principe refusée lorsque le contrat a été annulé pour cause d’immoralité. On arrive cependant que la restitution soit accordée en cas de nullité pour cause immorale et refusée en cas de nullité pour cause illicite.

Le cocontractant qui est entré en possession du bien peut conserver les fruits qu’il avait perçus jusqu’au jour de la demande en nullité s’il possédait la chose de bonne foi, ainsi, presque dans tous les cas l’annulation d’un acte a pour effet d’anéantir les droits des parties contractantes et même ceux des tiers qui avaient traité avec l’une d’elles.

Le demandeur en nullité du contrat peut, en outre, exiger des dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui cause l’anéantissement du contrat. Le défendeur à l’action en nullité peut aussi obtenir réparation du dommage que lui a causé la faute qui est à l’origine de l’annulation.