LES CLAUSES ABUSIVES DANS LES CONTRATS CONCLUS AVEC LES CONSOMMATEURS

La loi du 1er février 1995 vient de modifier la législation sur le régime des clauses abusives dans le souci de respecter la directive n°93/13/C.E.E. du Conseil du 5 avril 1993.

L’origine de notre droit positif prend naissance dans la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 et son fameux article 35 (devenu l’article L 132-1 du Code de la consommation), qui dispose que les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ne peuvent être imposées par un abus de puissance économique du professionnel, ce qui aurait eu pour effet de conférer à ce dernier un avantage excessif sur son cocontractant consommateur.

Le législateur a laissé le soin à la Commission des clauses abusives ( décret n°81-198 du 25 février 1981) d’examiner les contrats types habituellement proposés par les entreprises à leurs clients et d’émettre des recommandations. et au gouvernement d’intervenir par la voie réglementaire par le biais de règlements prohibitifs de telles situations.

Du fait que les gouvernements successifs se sont peu investis dans cette voie, sauf le cas du décret n°78-464 du 24 mars 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et services. les juges sont intervenus avec le soutien de la Cour de cassation. Démarche renforcée par l’action désormais possible des associations agréées de consommateurs qui depuis la loi du 5 janvier 1988 ont été reconnues aptes à agir en justice pour la reconnaissance de ces clauses abusives.

C’est en fait dans ce contexte qu’est née la directive du 5 avril 1993 et la loi n°95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d’ordre économique et commercial, prise en harmonisation de la directive.

Compte tenu de ces éléments, comment se présente la loi nouvelle ?

L’article L 132-1 du Code de la consommation donne une nouvelle définition de la clause abusive.

En effet, le code définit comme « abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un des équilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Ainsi la référence à l’abus de puissance économique disparaît.

L’article L 132-1 al. 2 du Code de la consommation permet toujours au pouvoir réglementaire d’intervenir par décret en Conseil d’État après avis de la Commission des clauses abusives pour déterminer les types de clauses qui doivent être regardées comme abusives.

L’article L 132-1 al. 4 du Code de la consommation indique que les dispositions de la loi sont applicables quels que soient la forme, le support du contrat (bons de commande, facture, bons de garantie, bordereaux, ou bons de livraison, billets, tickets).

L’article L 132-1 al. 6 du Code de la consommation déclare que les clauses abusives sont réputées non écrites, c’est à dire qu’on les efface du contrat. On considère qu’elles n’ont pas été transcrites dans le contrat, le recours à la justice pour les supprimer n’est donc pas nécessaire.

L’article L 132-1 al. 7 du Code de la consommation précise quant à lui que l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

L’article L 132-1 al. 8 du Code de la consommation déclare que le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.

L’article L 132-1 du Code de la consommation étant déclaré d’ordre public, nul ne peut y déroger (art. L 132-1 al. 9).

L’article L 133-2 du Code de la consommation impose que les clauses des contrats proposés par les professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel.

Enfin ladite loi comporte une annexe avec une liste de clauses classées de a à q qui doivent être regardées comme abusives, voir ci-dessous :

  1. D’exclure ou de limiter la responsabilité légale du professionnel en cas de mort d’un consommateur ou de dommages corporels causés à celui-ci, résultant d’un acte ou d’une omission de ce professionnel ;

  2. D’exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel ou d’une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par le professionnel d’une quelconque des obligations contractuelles, y compris la possibilité de compenser une dette envers le professionnel avec une créance qu’il aurait contre lui ;

  3. De prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l’exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;

  4. De permettre au professionnel de retenir les sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrats, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est celui-ci qui renonce ;

  5. D’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;

  6. D’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n’est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c’est le professionnel lui-même qui résilie le contrat ;

  7. D’autoriser le professionnel à mettre fin sans un préavis raisonnable à un contrat à durée indéterminée, sauf en cas de motif grave ;

  8. De proroger automatiquement un contrat à durée déterminée en l’absence d’expression contraire du consommateur, alors qu’une date excessivement éloignée de la fin du contrat a été fixée comme date limite pour exprimer cette volonté de non prorogation de la part du consommateur ;

  9. De constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu effectivement l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ;

  10. D’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat ;

  11. D’autoriser les professionnels à modifier unilatéralement sans raison valable des caractéristiques du produit à livrer ou du service à fournir ;

  12. De prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison ou d’accorder au vendeur de biens ou du fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait le droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat ;

  13. D’accorder au professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou le service fourni est conforme aux stipulations du contrat ou de lui conférer le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat ;

  14. De restreindre l’obligation du professionnel de respecter les engagements pris pas ses mandataires ou de soumettre ses engagements au respect d’une formalité particulière ;

  15. D’obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’exécuterait pas les siennes ;

  16. De prévoir la possibilité de cession du contrat de la part du professionnel, lorsqu’elle est susceptible d’engendrer une diminution des garanties pour le consommateur sans l’accord de celui-ci ;

  17. De supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par les dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat.