8. Obligation au cours des négociations. Tout contrat implique, par nature, la rencontre de deux parties. Celles-ci peuvent se rapprocher spontanément. Bien souvent, elles sont mises en présence par l’intervention d’intermédiaires, notamment par des cautions ou des agents commerciaux.
Les premières difficultés d’ordre juridique se manifestent dès cet instant. Elles portent sur les questions suivantes :
9. Promesse de contrat. Après leur mise face à face, les parties peuvent conclure sans autre forme de procès leur accord. Il en est ainsi pour les contrats courants qui ne sont pas formalisés et restent souvent oraux ou tout au plus le sont par des bons de commandes ou de simples lettres.
Lorsque les rapports que les intéressés entendent nouer son complexes et délicats à définir, les parties doivent alors entrer en négociation. Au terme de celle-ci, il arrive souvent qu’elles ne soient pas encore en mesure de conclure leur contrat définitif. Elles ont généralement recours alors à la conclusion d’une promesse de contrat. Cette promesse est elle-même un contrat : c’est celui de passer ultérieurement, dans un délai déterminé, le contrat définitif.
Pour être valable, la promesse doit contenir les éléments essentiels du contrat envisagé. Doivent y être déterminés ou au moins déterminables, la chose et le prix. A défaut, la promesse est nulle.
Par ailleurs, il convient d’être précis sur les conditions dans lesquelles le contrat définitif devra être passé. Notamment, les parties qui souvent prévoient une «réitération» de leur promesse, doivent expressément et formellement préciser si elles sont d’ores et déjà engagées avant la réitération ou si elles ne le seront qu’après l’intervention de cette dernière.
Lorsque la promesse est valable, le bénéficiaire peut en obtenir l’exécution dans le délai imparti. Lorsqu’il demande l’exécution, on dit qu’il "lève l’option". Si le promettant refuse alors de respecter son engagement, le bénéficiaire peut obtenir de la justice l’exécution forcée sous la forme d’un jugement valant acte. Mais, si le promettant a rétracté son engagement avant la levée de l’option, le bénéficiaire n’a droit qu’à des dommages-intérêts.
10. La conclusion du contrat définitif. Comme celle, le cas échéant, de la promesse qui, ainsi qu’on l’a déjà dit, est elle-même un contrat, la conclusion du contrat définitif obéit aux conditions de validité fixées par l’article 1108 du Code civil, selon lequel : "quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention" :
Le respect de ces quatre conditions appellent les observations ci-après.
11. Liberté d’expression du consentement. Les parties peuvent, sauf de rares exceptions (cas notamment de la donation, de la cession de brevet ou de marque) où l’écrit est une condition de validité du contrat, donner leur consentement par écrit ou oralement.
L’échange des consentements peut avoir lieu en présence des parties elles-mêmes, ou par l’intermédiaire de leur mandataire, ou par correspondance (lettre, télex, télécopie).
12. Intégrité du consentement. «Il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol» (article 1109 du Code civil). La lésion peut aussi -mais très exceptionnellement- être une cause de nullité du contrat ou d’indemnisation de la victime (article 1118 du Code civil).
13. Erreur. L’erreur qui vicie le contrat peut consister :
Mais une telle erreur n’affecte le contrat que si la victime n’a pu l’éviter; le contrat est pleinement valable si la victime a été négligente et a commis une erreur inexcusable (Corn. 4 juillet 1973, D. 1974. 538 note Ghestin, refusant de prendre en compte l’erreur commise par un professionnel qui est averti des qualités de la chose).
Lorsque l’erreur remplit les conditions requises, la victime peut obtenir à son choix, la nullité du contrat ou la réparation des conséquences de son erreur.
14. Dol Le dol vicie le contrat lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté (art. 1116, alinéa 1, du Code civil). A partir de cette règle légale, les tribunaux ont fixé le régime du dol dans les termes suivants :
15. Violence. Le contrat peut être annulé lorsqu’il a été conclu sous l’effet d’une violence exercée sur un cocontractant, sauf si ce dernier a ratifié le contrat depuis que la violence a cessé (articles 1111 à 1115 et article 1117 du Code civil).
La violence est sanctionnée lorsqu’elle prend la forme d’une contrainte physique, morale ou économique ; elle existe aussi en cas de menace de l’emploi d’une voie de droit si cet usage est abusif, soit parce que la voie de droit est détournée de son but, soit parce qu’elle est utilisée pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif (Civ. 17 janvier 1984, Bull. III p. 10). Mais les tribunaux refusent d’en voir une manifestation dans la pression des circonstances économiques subies par une partie (Corn. 20 mai 1980, Bull. IV p. 170).
16. Lésion. La disproportion entre les prestations promises par chacun des cocontractants n’est une cause de nullité du contrat qu’exceptionnellement (voir article 1118 du Code civil). Il en est ainsi :
17. Toute personne peut contracter, mais, dans la mesure définie par la loi (articles 1123 et 1124 du Code civil) ; ainsi ne le peuvent :
18. La chose promise et le prix dû doivent être déterminés ou déterminables (article 1129 du Code civil). Mais cette règle ne concerne que les contrats dont les clauses comportent essentiellement des obligations de donner -c’est-à-dire imposant à une partie de transférer la propriété d’un bien à son cocontractant (cf. Com. 2 juillet 1991, RJDA 10/91 n° 779) ; elle ne vise pas les contrats dont les clauses comportent essentiellement des obligations de faire (Com. 16 juillet 1991, RJDA 11/91 n° 883).
19. Pour que la chose soit déterminée ou déterminable, il faut préciser sa nature et sa quantité (article 1129 du Code civil).
La désignation du bien ou du service constituant l’objet du contrat peut suffire à individualiser la chose (cf. Civ. 3 janvier 1979, Bull. III p. 3).
La quantité doit être chiffrée ou, à défaut, pouvoir être calculée objectivement à partir d’un critère donné par le contrat; cette dernière condition est remplie, par exemple, lorsqu’une vente porte sur les meubles contenus dans un garde-meuble désigné (Civ. 16 juin 1964, Bull. I p. 251) mais ne l’est pas lorsque le contrat prévoit la mise à disposition d’un distributeur d’un stock de cassettes vidéo que celui-ci doit offrir à la location, sans mention précise sur les films, de telle sorte que le loueur est libre de fixer la composition de ce stock (Caen 7 avril 1994, J.C.P. 1994.IV.1343).
20. Le prix est déterminé s’il est chiffré et il est déterminable s’il est calculable à partir des modalités prévues au contrat, pourvu que leur mise en oeuvre n’appelle pas une nouvelle manifestation de volonté de la part des contractants ou de l’un d’eux. Cette condition est satisfaite lorsque le contrat prévoit :
21. Le contrat dont la chose et le prix ne sont ni déterminés ni déterminables est nul d’une nullité absolue (Civ. 30 novembre 1983, Bull. IV p. 288). Il ne peut donc pas être confirmé (même arrêt) l’action en nullité n’est pas soumise à la prescription quinquennale (Rouen 3 septembre 1985, G.P. 1986 som. 287).
22. Par ailleurs, l’objet du contrat doit aussi :
23. L’absence de cause, l’illicéité de la cause ou la fausse cause entraîne la nullité du contrat (article 1131 du Code civil). Mais il n’est pas indispensable que la cause de l’engagement soit exprimé dans l’acte (article 1132 du Code civil) ; c’est à celui qui l’invoque à prouver l’absence de cause (Civ. 7 avril 1992, R.J.D.A. 7/92 n° 679).
24. L’absence de cause est établie lorsque la personne qui la soulève apporte la preuve que le contrat n’impose à son cocontractant aucune obligation ou ne lui impose que des obligations chimériques ou dérisoires par rapport à celles dont elle est tenue; il en est ainsi, par exemple, lorsque l’acheteur d’un fonds de commerce a promis le versement d’une commission forfaitaire et irréductible alors qu’en réalité ce fonds n’existait pas (Com. 5 janvier 1966, Bull. III p. 6).
25. La cause est illicite lorsqu’elle est prohibée par la loi ou lorsqu’elle est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (article 1133 du Code civil). Tel est le cas, par exemple, lorsque le contrat a été conclu en vue de corrompre un fonctionnaire (Civ. 19 décembre 1960, Bull. I p. 447).
26. La fausse cause consiste pratiquement dans le fait qu’un contractant s’est trompé sur la raison qu’il avait de s’engager; ainsi, notamment, lorsqu’une entreprise a conclu une assurance avec l’État alors qu’elle bénéficiait déjà d’une autre assurance pour le même risque, le résultat ainsi promis étant déjà acquis (CE 12 novembre 1948, Lebon 428).