L’exécution du contrat

I. Parties à l’exécution du contrat

27. Les contrats ne peuvent être exécutés qu’entre les parties contractantes et ils ne peuvent ni nuire ni profiter aux tiers (article 1165 du Code civil). C’est la règle dite de l’effet relatif des contrats. En vertu de cette règle, il a notamment été solennellement jugé que les rapports entre le maître de l’ouvrage et le sous-traitant ne sont pas contractuels (Ass. plén. 12 juillet 1991 , R.J.D.A. 8-9/91 n° 711 concl. Mourier, rapport Leclercq).

Toutefois, les tribunaux tendent à élargir le cercle des relations contractuelles, ce qui amène à déterminer la portée du champs contractuel dans les situations ci-après :

28. Contractants. Sont contractants, sauf preuve contraire, ceux qui affirment expressément avoir conclu entre eux le contrat car on est censé avoir stipulé pour soi-même (article 1119 du Code civil). Cette affirmation résulte généralement, si un écrit est dressé, de la mention dans le contrat de l’identité et de la signature des personnes impliquées (Corn. 3 mars 1987, B.R.D.A. 1987/7 p. 15).

Les personnes dont le nom et la signature ne figurent pas sur un contrat écrit peuvent néanmoins être tenues pour parties au contrat, lorsqu’elles se sont en fait comportées comme des contractants. Jugé par exemple, qu’en cas de démarche étroite auprès de deux sociétés, bien que le contrat ne soit conclu qu’avec l’une d’elles, est justifiée la résolution de ce contrat aux torts des deux sociétés (Com. 2 juillet 1991, R.J.D.A. 8-9/91 n° 682.

29. Successeurs des contractants. Les successeurs universels et à titre universel des contractants, qui ont accepté purement et simplement la succession, deviennent, à la disparition de leur auteur, parties aux contrats qui n’ont pas été conclus intuitu personae (Com. 16 mars 1954, D.1954.474).

30. Acceptant d’un porte-fort. La personne qui accepte le contrat conclu par une autre sous la forme d’une promesse de porte-fort devient partie à ce contrat; il en est ainsi lorsque le signataire initial d’une convention promet à son cocontractant que telle personne nommée - appelée ici le tiers -ratifiera (article 1120 du Code civil). Si le tiers ratifie le contrat, il est tenu de l’exécuter; à défaut, celui qui s’est porté fort doit une indemnité au cocontractant auquel il a promis la ratification (article précité).

31. Remplaçants des cocontractants. Une partie peut être remplacée par une autre en cas de cession du contrat, de cession de créance, de novation, de délégation, de subrogation et de préemption.

32. Acquéreur d’un immeuble ou d’un fonds de commerce. L’acquéreur d’un immeuble ou d’un fonds de commerce devient partie activement et passivement au contrat que le précédent propriétaire avait conclu relativement à ce lieu, si les intéressés l’ont prévu (Corn. 14 décembre 1981, G.P. 1982. pan. 162), sous réserve des contrats conclus intuitu personae, celui qui s’est engagé en fonction de la personnalité du vendeur ne pouvant se voir imposer un autre cocontractant (Paris 24 septembre 1991, D. 1991. I. R. 248).

Lorsque les parties n’ont pas prévu le transfert des contrats, seuls les contrats qui sont un accessoire nécessaire du bien sont transmis et seulement pour les droits qui y sont attachés ; ainsi le sous-acquéreur d’une chose peut demander réparation directement et par une action contractuelle au premier vendeur (Ass. plén. 7 février 1986, 2 arrêts, J.C.P. 1986. II. 20616 note Malinvaud).

33. Bénéficiaire d’une stipulation pour autrui. Un contractant (le promettant) -peut promettre d’exécuter une prestation déterminée, à la demande de son cocontractant (le stipulant), au profit d’une autre personne (le bénéficiaire) qui n’intervient pas à la conclusion du contrat; le bénéficiaire est ainsi rendu créancier d’un droit créé par le contrat, d’où le nom de stipulation pour autrui donné à cette opération (article 1121 du Code civil).

34. Titulaire d’une action directe. La loi reconnaît à certaines personnes le droit d’agir contre une partie à un contrat; ainsi: le sous-traitant peut demander directement au maître d’ouvrage paiement des prestations qu’il a fournie à l’entrepreneur principal (article 12 de la loi n° 75- 1334 du 31 décembre 1975), le bailleur peut agir contre le sous-locataire en paiement des loyers (article 1753 du Code civil). Les tribunaux ont aussi reconnu une action directe au sous- acquéreur d’une chose (supra n° 32).

35. Autres personnes ou tiers proprement dits. Les personnes autres que celles qui ont été ci-dessus énumérées sont appelées des tiers au contrat; tel est le cas notamment des créanciers de l’une des parties au contrat, tout du moins s’ils n’exercent pas l’action oblique (voir article 1166 du Code civil).

Ces tiers sont, en principe, totalement étrangers au contrat: ils ne peuvent être obligés par le contrat (inopposabilité du contrat) ni tirer un droit du contrat (impossibilité de se prévaloir du contrat). Jugé, par exemple, que le propriétaire d’un fonds de commerce de restaurant ne peut pas invoquer à son profit le contrat exclusif de fournitures de bière conclu entre le locataire de ce fonds de commerce et un sous-locataire (Corn. 21 décembre 1981, J.C.P. 1982.IV. 95).

Toutefois, cette règle n’interdit pas de faire produire au contrat certains effets au regard même de ces tiers ; ainsi, ces derniers peuvent tirer avantage du contrat, par exemple, pour se prévaloir de l’extinction d’une créance à l’égard d’un créancier (Com. 22 octobre 1991, R.J.D.A. 1/92 n° 6, libération des cautions engagées à l’égard d’une banque qui avait cédé les créances cautionnées à une autre banque).

II. Obligations à exécuter

36. Interprétation des contrats. Les obligations à exécuter sont celles dont les parties sont convenues. Lorsqu’elles ne sont pas clairement affirmées, ce qui arrive souvent, les juges sont appelés à en préciser le sens. Dans cette action, ils sont tenus d’observer les règles suivantes :

37. Contenu et portée des obligations. Les contrats peuvent engendrer trois types d’obligations :

Mais deux caractéristiques des obligations sont encore plus générales, car toutes les obligations relèvent de l’une ou de l’autre. On distingue ainsi :

III. Délais d’exécution du contrat

A. Entrée en vigueur

38. Sauf indication contraire, le contrat entre en vigueur, et doit donc être mis à exécution, dès le jour de sa conclusion (cf. Civ. Il décembre 1985, Bull. I p. 314).

Les parties peuvent fixer, comme elles l’entendent, la date d’entrée en vigueur du contrat. Elles peuvent, à cet effet, choisir :

B. Délais d’exécution des obligations

39. Les obligations doivent être immédiatement exécutées, sauf si les parties ont fixé des délais d’exécution. Elles ont intérêt à être très précises sur ces délais pour éviter les contestations ultérieures, l’une prétendant que l’exécution devrait intervenir avant une date déterminée alors que l’autre estime qu’elle n’a pris aucun engagement en ce sens. A défaut de précision, les juges font application du délai qui leur paraît raisonnable (Civ. 10 avril 1973, Bull. III p. 198).

IV. Modalités d’exécution du contrat.

A. Règles de bonne conduite

40. Exécution de bonne foi. Les contrats doivent être exécutés de bonne foi (article 1134, alinéa 3, du Code civil).
A ce titre, les tribunaux exigent des parties qu’elles agissent l’une envers l’autre sans fraude, sans dol et sans malice. Le contractant qui se rend coupable d’un tel comportement est privé de l’avantage qu’il escomptait retirer de son attitude.
Jugé, par exemple, que le preneur d’un bail emphytéotique, conclu sous la direction résolutoire du défaut d’obtention de permis de construire, doit, le bail ayant été résolu par suite de la défaillance de cette condition, des dommages-intérêts pour avoir sollicité un permis en vue d’une construction que la configuration du terrain ne permettait pas (Civ. 12 novembre 1975, Bull. III p. 249).

50. Devoir de conseil. En plus du devoir existant au moment de la conclusion du contrat (supra no 8), la partie qui est en mesure de le faire doit conseiller son cocontractant pendant l’exécution du contrat;
elle doit, par exemple, attirer l’attention de l’autre partie sur la nécessité de nouveaux travaux (Civ. 28 mai 1980, J.C.P. 1980. IV. 300).
Mais les manquements au devoir de conseil sont atténués si l’autre partie a les connaissances voulues pour apprécier les conditions d’exécution de la prestation qui lui est fournie (Versailles 19 novembre 1986, G.P . 1987 som. 397).

51. Comportement raisonnable. Tout contractant doit exécuter le contrat raisonnablement («en bon père de famille») (cf. article 1137 et 1374 du Code civil). Les parties doivent notamment :

  1. apporter à l’exécution du contrat une diligence conforme aux exigences et aux objectifs contractuels; ainsi commet une faute la SNCF qui, en dépit du doute qu’elle a sur la qualité de destinatairedu présentateur d’un récépissé, lui délivre la marchandise sans vérifier son identité (Paris 27 avril 1960, B ull. des transports 1960.186) ;
  2. s’informer mutuellement de toute circonstance susceptible de compromettre l’exécution du contrat; par exemple, le réparateur du navire qui découvre l’état défectueux du bâtiment à l’occasion des réparations doit avertir son client et lui demander des instructions (Com. 12 novembre 1974, Droit maritime français 1975.265) ;
  3. minimiser le dommage survenu dans l’exécution du contrat; ainsi, les atermoiements d’un armateur pour procéder au sauvetage d’une cargaison en péril à la suite d’un échouement engage sa responsabilité (Rouen 6 décembre 1984, Bull. des transports 1985. 359) ;
  4. s’interdire de se surprendre l’une l’autre et agir avec précipitation pour profiter d’une circonstance inopinée ou avec calcul pour empêcher l’autre de réagir (Civ. 15 décembre 1975, Bull. III p. 354) ;
  5. ne pas trahir la confiance qu’elles se sont faites réciproquement et veiller à la sauvegarde de leurs intérêts réciproques; ainsi, les commerçants qui s’obligent à rembourser sur une période de trois ans d’importantes sommes à l’un de leurs fournisseurs s’engagent en même temps, implicitement mais nécessairement, à maintenir les relations commerciales entre eux et ce fournisseur, alors même que n’est pas prévue cette clause de fidélité (Aix 29 novembre 1978, Bull. Cour d’Aix 1978/4 p. 6).

52. Règles propres au créancier. Le contractant créancier en vertu du contrat doit veiller à la sauvegarde de son droit; il doit notamment :

B. Suivi du contrat

53. Notifications. Les parties, si elles l’ont prévu, doivent suivre les formes qu’elles ont fixées pour la notification des informations relatives à l’exécution du contrat.

54. Réserves La partie qui veut se plaindre des conditions d’exécution du contrat par son cocontractant doit faire connaître à ce dernier ses protestations par la formulation de réserves; à défaut, elle sera censée, aux yeux des juges, avoir accepté l’exécution du contrat telle qu’elle l’a connue; jugé, ainsi, qu’est responsable le notaire qui n’a fait aucune réserve pour sauvegarder les droits de son client (Paris 5 octobre 1982, G.P. 1983. som. 129).

La partie qui a expressément accepté «sans réserves» des obligations ne saurait ultérieurement remettre en cause ces dernières (Com. 12 décembre 1984, J.C.P. 1985. IV. 71)./p>

C. Non-concurrence

54.b. En cas de cession d’un fonds de commerce et plus généralement lorsque le contrat entraîne une interpénétration des intérêts des deux parties, il est courant qu’il comporte une obligation de non-concurrence. Par cette obligation, une partie s’engage à ne pas exercer une activité déterminée soit pour un temps limité, soit sur un territoire délimité. En tout état de cause, l’obligation de non-concurrence n’est valable que si elle n’interdit pas au débiteur l’exercice de toute activité professionnelle conforme à ses capacités professionnelles. Par ailleurs, elle ne doit pas être, même si elle est limitée dans le temps et dans l’espace, disproportionnée au regard de l’objet du contrat (Com. 4 janvier 1994, RJ.D.A. 3/94 n°297).