Un contrat est un accord de volontés qui peut être écrit ou verbal dans lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales s’obligent envers une ou plusieurs autres à fournir des prestations réciproques ou unilatérales appelées obligations.
Ces obligations peuvent consister en un engagement de donner, transférer la propriété d’un immeuble ou d’un meuble du vendeur à l’acheteur par exemple; de faire ou de ne pas faire quelque chose, exemples: l’installation d’une usine clés en main dans le cadre d’un contrat d’entreprise ou le respect de la clause de non-concurrence par le cessionnaire d’un fonds de commerce.
En outre, en fonction du degré d’exigence de l’exécution du contrat, ces obligations peuvent résulter d’un engagement express ou tacite de (fournir une prestation donnée de manière à aboutir à un résultat déterminé (obligation de résultat) ou simplement de mettre en oeuvre un ensemble de moyens sans avoir l’obligation d’atteindre un résultat (obligation de moyen).
Les protagonistes de ce lien juridique sont appelés «parties» ou «contractants». Une partie est appelée débiteur si elle doit fournir une prestation à son cocontractant ou créancier si elle doit recevoir une prestation de celui-ci. Dans la majorité des contrats, chaque partie est à la fois débitrice et créancière d’une obligation. Exemple: le contrat de vente où le vendeur s’engage à transférer la propriété du bien vendu à l’acheteur en échange du paiement du prix convenu et l’acheteur à payer le prix, en échange de la livraison du bien acheté.
On désigne sous le nom de «partie», en principe, les personnes qui ont manifesté leur volonté de s’engager formellement ou tacitement. Le contrat ne saurait produire d’effet en dehors des parties ainsi identifiées. Il ne peut ni nuire ni profiter aux tiers proprement dits, c’est-à-dire totalement étrangers au contrat. C’est l’application de la règle de «l’effet relatif des contrats». Mais cette opposition absolue des parties aux tiers perd de plus en plus son sens. Car sous la pression des facteurs économiques qui forcent l’interdépendance et l’interférence entre les échanges, les juges tendent à élargir l’effet relatif à un nombre de plus en plus grand de «tiers». Exemples: le gérant de fait peut se voir obligé d’exécuter un engagement à la conclusion duquel il n’a pas participé (suivant le principe de l’apparence) ; de même le tiers qui ratifie une promesse de porte-fort ou le bénéficiaire d’une stipulation pour autrui etc. ...
L’exécution du contrat consiste donc en l’échange ou la fourniture de prestations nées des obligations définies dans le contrat, de la conclusion de celui-ci à son extinction, mais également après l’extinction du contrat, exemple: le respect d’une clause de non-concurrence dans un contrat de travail.
Étudier les règles gouvernant l’exécution du contrat offre un intérêt à plusieurs titres. D’une part, la démarche permet de mieux définir et cerner les obligations résultant du contrat, d’attirer l’attention des cocontractants sur l’importance du respect de la loi des parties rappelé par l’article 1134 du Code civil, en particulier du respect des délais et des modalités d’exécution du contrat; d’éviter les contentieux et les procédures trop longues et coûteuses qui nuisent à la bonne marche et à la sécurité des affaires. D’autre part, et si malheureusement les parties se trouvent confrontés à une situation d’inexécution caractérisée, il y a intérêt à définir quelles sont les règles qui permettent d’agir dans les délais requis afin de forcer l’exécution.
Les textes auxquels nous pouvons nous référer sont nombreux. Il faut citer notamment les articles 1101, 1108, 1134, 1156 et 1165 du Code civil, les articles 12. al. 3 et 640 à 642 du N.C.P.C.
Il convient en outre de noter une nette évolution du législateur vers un renforcement des moyens de protection du créancier en particulier avec l’ordre public. Il existe de plus en plus de textes d’ordre public visant à forcer l’exécution, visant la simplification des voies d’exécution mais aussi une plus grande efficacité dans l’exécution des décisions de justice, car un grand nombre reste lettre morte.
Par ailleurs, au moment d’exécuter le contrat, un litige peut naître entre les parties sur le sens à donner à un engagement ou à une clause du contrat. Le travail d’interprétation du juge consiste alors à mettre en oeuvre un ensemble de moyens dans le but de rechercher et de découvrir la commune intention des parties. Il jouit en cela, d’une large liberté. Mais il doit dans tous les cas respecter la volonté des parties, il ne doit ni modifier les engagements clairs et précis, ni modifier leur sens (an. 1156 C. civ.). Cependant, dans le cas où le sens du contrat ou d’une clause est douteux, le juge l’interprète en faveur de la partie qui s’est obligée. Il semble également que les juges anglais interprètent le contrat contre celui en faveur de qui la clause douteuse a été introduite, en vertu du principe «contre son propre fait nul ne peut venir». Afin d’éviter ces écueils il est souhaitable d’établir une nomenclature des termes utilisés au sein du contrat.
Après avoir ainsi défini et identifié les parties au contrat et la nature de leurs obligations, exécuter, revient, à notre avis, à se poser deux questions: A partir de quand faut-il exécuter ? Comment et sous quelles conditions faut-il exécuter ? Nous étudierons donc dans un premier temps les délais d’exécution du contrat et dans un second temps leurs modalités d’exécution.
Les délais courent de l’entrée en vigueur du contrat à son extinction en fonction de ce dont les parties sont librement convenues. C’est en effet la loi des parties. Autrement dit, c’est la date d’entrée en vigueur qui marque le point de départ des délais d’exécution. Il est donc certain que l’on ne saurait exiger une quelconque exécution si cette notion n’est pas clairement définie dans le contrat. Les parties ont tout intérêt à dire à partir de quelle date, de quel moment le contrat commence à produire effet entre les parties contractantes.
En fonction de ce qui a été décidé entre les parties, cette date peut être soit :
Une fois l’entrée en vigueur du contrat déterminée, les parties peuvent se poser la question de savoir quand exécuter. Ainsi c’est le problème des délais et de la date d’exécution que nous allons étudier maintenant.
Sur ce point, la difficulté la plus souvent rencontrée dans les contrats est celle de l’imprécision dans la formulation des délais. Les parties oublient souvent de convenir de délais fixes et précis.
À défaut de délais fixes et formellement précisés dans le contrat, le juge peut fixer raisonnablement le délai et l’imposer aux parties (délai raisonnable d’exécution). Il faut donc éviter les formulations approximatives source de contestations et de litiges, telles que les formules «en temps utile», «en temps opportun»,» dans les plus brefs délais» etc. . Il faut toujours fixer des délais chiffrés: comme par exemple 30 jours, un mois. deux années ou jusqu’à telle date. Il est également conseillé aux parties de préciser si tel délai est de rigueur ou non, afin que celui-ci soit réputé accompli dès la survenance de son échéance et qu’on puisse invoquer le retard d’exécution (en particulier pour faire jouer les clauses pénales). Exemple: un contrat de vente de meuble fixant la livraison du bien par le vendeur au 13 janvier 1991 (délai de rigueur). Si au 30 janvier 1991 le bien n’est pas livré, l’acheteur peut établir le retard d’exécution ou l’inexécution et agir en conséquence.
En tout état de cause, aucun engagement ne peut être assigné à une durée perpétuelle sous peine de nullité. Exemple: le contrat de bail d’une durée de 12 ans renouvelable par tacite reconduction pour un nombre de périodes illimitées est nul.
Le contrat est
la loi des parties, mais encore doit-il être exécuté de bonne foi, l’article
1134 du Code civil énonce :
«Les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les
causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi».
En vertu du principe de la liberté consensuelle, les juges interprètent cette règle de façon stricte afin de préserver la sécurité et la stabilité des affaires. En cas de conflit, il s’attache à vérifier si toutes les règles de bonne conduite édictées par l’article 1134 du Code civil ont été respectées. Il convient de distinguer dans cette optique les règles auxquelles sont soumises les deux parties et les règles imposées au(x) créancier(s) des obligations.
Il faut exécuter de bonne foi. Nous entendons par «bonne foi», une conduite loyale, honnête, en bon père de famille tel que le rappelle souvent la jurisprudence. Il ne suffit donc pas pour les parties de faire «tout leur possible». il faut agir sans comportement frauduleux, sans dol, sans malice. Exemple: le bénéficiaire d’une promesse de vente d’un immeuble sous condition suspensive qui empêche délibérément la réalisation de ladite condition avec l’intention de faire tomber le contrat peut se voir forcé de l’exécuter ou condamné à verser des dommages-intérêts à son cocontractant pour le préjudice subi.
Il faut respecter le devoir de conseil. Cette obligation née au moment de la conclusion du contrat (négociations) se poursuit dans l’exécution même du contrat. Le manquement à cette règle est atténué ou aggravé selon qu’il s’agit d’un contrat entre deux professionnels ou entre professionnel et non- professionnel (décret de 1978).
Il faut enfin se comporter de façon raisonnable vis à vis de son cocontractant. Autrement dit, les parties doivent mettre en oeuvre tous les moyens afin de donner au contrat toutes les chances de réussir. Les articles 1137 et 1374 du Code civil entendent un comportement exempt de légèreté, c’est à dire: exécuter avec diligence; s’informer mutuellement de tout évènement susceptible de compromettre l’exécution; se rendre compte de tout défaut dans la chose ou le travail fourni ; minimiser les conséquences des dommages survenus durant l’exécution du contrat; s’interdire de se surprendre; ne pas trahir la confiance que chaque partie a faite à l’autre et veiller à sauvegarder les intérêts réciproques. Exemple: les commerçants s’engageant solidairement à rembourser une dette à leur fournisseur, s’engagent implicitement à maintenir les relations commerciales existant entre eux et ce fournisseur, au moins pour la durée de remboursement de cette dette, alors même qu’aucune clause de fidélité n’est prévue dans le contrat (Aix 29 novembre 1978).
Le créancier ne doit pas tarder à faire prévaloir ses droits. Notamment en cas de retard ou d’inexécution, il doit émettre des réserves écrites. Il ne doit pas tarder à les notifier au débiteur. Il dispose de plusieurs moyens tout en préservant les relations commerciales, tels que la lettre ordinaire, fax., télex ou lettre recommandée avec accusé de réception.
Il ne doit pas non plus faire obstacle à l’exécution du contrat par le débiteur car il risque de perdre tout moyen d’action contre celui-ci en cas d’inexécution: «contre son propre fait, nul ne peut venir». Exemple : perte du bénéfice d’une clause pénale par le créancier au motif que celui-ci a pris livraison d’une marchandise et réglé la facture sans formuler de réserves (Corn. 10 avril 1964). Exemple: un bailleur ne peut invoquer la clause résolutoire d’un bail pour défaut de remise en état des lieux par le locataire, dès lors que les travaux ont été rendus nécessaires par son propre manquement à l’obligation de délivrer la cave qu’il avait promise (Civ. 7 novembre 1978).
Enfin, il ne peut se plaindre de l’exécution du contrat qu’il a imposé. Par ailleurs, outre la nécessité de formuler des réserves, de respecter les obligations de notification et de surveiller les délais de prescription, il convient de respecter scrupuleusement pendant toute la durée du contrat et même après son extinction les clauses de secret et de non-concurrence qui en cas de non respect peuvent entraîner la mise en jeu des clauses pénales ou l’allocation de dommages et intérêts par le Juge.
En vertu du principe «nul ne peut se faire justice à soi-même», le créancier d’une obligation inexécutée ne peut s’en prévaloir pour ne pas exécuter lui-même son obligation que s’il est en mesure d’invoquer un motif légitime. Autrement dit, il ne faut pas que l’inexécution soit due à un fait qui lui est imputable ou à l’existence d’une renonciation par lui-même à son droit. Exemple: lorsque deux associés d’une SARL ont décidé de liquider la société et de se répartir le boni de liquidation, celui qui choisit de céder toute ses parts avant que la société soit liquidée, a renoncé par lui-même à se prévaloir du protocole prévoyant le partage du liquidation.
Ces deux faits étant écartés, nous pouvons examiner les cas où l’exécution du contrat est rendue impossible pour motif légitime.
La suspension du contrat se définit comme étant l’arrêt momentané des effets du contrat ou de certains d’entre eux occasionné par la survenance d’un évènement déterminé. La décision de suspension peut relever d’une action en justice. Dans ce cas, les juges ne la prononcent que sous certaines conditions et cas très précis dès lors que l’exécution du contrat est momentanément impossible. Il en est ainsi par exemple en cas de guerre, de réquisition ou de réglementation temporaire.
En général les parties en fixent elles-mêmes l’étendue, les causes et les effets. Elles prévoient que tout obstacle temporaire à l’exécution est considéré comme cause de suspension. Exemple: la force majeure ou la modification du contexte économique. Là aussi les parties ont tout intérêt à être claires et précises dans leurs stipulations. Elles doivent répondre avec clarté aux questions suivantes : quelles sont les obligations visées ? quelles sont les conséquences de la suspension sur les obligations notamment la liberté de contracter ou non par ailleurs ? le contrat repris le sera-t-il aux mêmes conditions ou à des conditions nouvelles ? quelles sont les conséquences de la non-reprise (caducité) ?
Les exceptions d’inexécution : il s’agit de la possibilité pour le débiteur/créancier d’une obligation de s’abstenir d’exécuter l’obligation dont il est débiteur si son cocontractant-créancier refuse d’exécuter l’obligation dont il est débiteur.
Il s’agit, nous l’avons deviné, de contrats bien déterminés, c’est-à-dire les contrats synallagmatiques. À cette première condition se rattachent deux autres. Il faut que l’inexécution soit effective et suffisamment grave. Il faut enfin que l’origine de l’inexécution ne soit pas un fait imputable au cocontractant qui invoque l’exception d’inexécution.