L'ORDRE PUBLIC

L’ordre public est une notion bien difficile à préciser et qui s’applique à beaucoup d’autres domaines que le droit civil.

L’ordre public se retrouve en effet non seulement en droit public, mais aussi en procédure civile et en droit international privé.

La notion d’ordre public marque la suprématie de certaines règles légales qualifiées d’ordre public protégeant des intérêts généraux, l’ordre dans l’ État par exemple, par opposition aux règles facultatives dites supplétives.

Dans certains cas, la loi elle-même déclare que toutes ou certaines de ses dispositions sont d’ordre public. Il en est ainsi de 1 article L 111-2 du Code des assurances qui interdit de modifier les prescriptions des titres I, II, III du présent livre par conventions.

De même pour la loi 86-1290 du 23 décembre 1986, dite loi Méhaignerie où seul le titre I a été déclaré d’ordre public.

Dans d’autres cas rien dans la loi n’indique s’il s’agit de dispositions impératives ou facultatives. Certes le juriste peut se reporter aux travaux préparatoires de la loi pour y puiser cette information si elle s’y trouve... À défaut, il appartient alors aux tribunaux de préciser les caractères de la loi et de dire si les particuliers peuvent y déroger par conventions.

Enfin, la jurisprudence annule les conventions qui ne sont pas contraires à une loi. mais qu’elle considère comme contraire à un ordre public non écrit. Ce principe a te posé par un Arrêt de la Cour de Cassation, Chambre civile 1924 (s 1931-1- 49) : « il résulte des termes de l’article 1133 du Code civil que la cause est illicite quand elle est contraire à l’ordre public, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit prohibée par la loi ».

Les sources de l’ordre public se trouvent soit dans les lois et les règlements et en particulier les articles 6 et 1134 du Code civil ou la jurisprudence. Le champ d’application de l’ordre public est donc très vaste et il varie en fonction des données économiques, politiques sociales d’un État. À l’origine, il concernait seulement l’organisation soit administrative et politique de l’État. Le Code civil a été dès sa naissance le fondement de la propriété privée, de la liberté du travail et aussi du commerce et de l’industrie.>

Cependant, suite à l’intervention croissante des personnes morales de droit public (État, Régions, Départements, Communes) le domaine d’action de l’ordre public n’a cessé de s’accroître. A côté de l’ordre public classique, il existe de nos jours l’ordre public économique, ces deux formes de l’ordre public feront l’objet de cette étude.

 

I - L’ ORDRE PUBLIC CLASSIQUE

Se rattachant essentiellement à la tradition de la Révolution et du Code civil, il exprime en fait surtout des exigences au regard de l’ordre public étatique et de l’ordre public civil.

A. L’ordre public étatique

Au regard de cet ordre public sont hors du commerce les droits politiques, l’organisation des services publics (constitutionnelle, administrative et judiciaire ), ainsi que la fonction publique (Étatique ou Régionale). Il en est de même pour les règles concernant les offices ministériels (notaire, huissier, commissaire priseur) et les professions réglementées (architecte, médecin, avocat, conseil juridique). Que ce soit, pour les offices ministériels, ou les professions libérales la jurisprudence admet désormais la validité de la convention par laquelle un médecin s’engage envers un autre a le présenter à ses clients, moyennant le versement d’une indemnité (civ. 16 mars 1943, .J.C.P. 1943 II 2289 ; Rev. Trim. Dt Civ. 1963, p. 213).

Se rattache également à l’ordre public étatique, l’ordre public fiscal. En effet, l’article 1840 du Code général des impôts déclare "nulle et de nul effet’ toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d’un office ministériel et toute cession ayant pour but de dissimuler toute ou partie du prix d’une vente d’immeubles ou de la cession d’un Fonds de commerce.

B. L’ordre public civil

Cet ordre public concerne d’une part la personne humaine, et d autre part la famille.

Au regard de la personne humaine, seront donc considérées comme illicites les atteintes à la personne physique, même si ces atteintes ne relèvent pas d’une infraction pénale (exemple : coups et blessures volontaires, meurtre. etc.) ; dès que ces atteintes se révèlent sans aucune utilité. Exemple : sont prohibées les expériences sur le corps humain.

En outre, le corps humain ne peut faire l’objet d’un contrat, car il est hors le commerce; il en est de même des organes du corps humain (cœur, poumon, foie, etc.) qui ne peuvent donner lieu à des transactions rémunérées.

Les lois relatives à l’organisation de la famille sont en général d’ordre public, et la jurisprudence se montre toujours très protectrice de la famille.

Ainsi, en vertu de l’article 1388 du Code civil "les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle".

À l’ordre public familial on peut rattacher celui qui intéresse le droit successoral qui prohibe les pactes sur succession future. L’organisation patrimoniale n’exclut cependant pas toutes les conventions, en effet, l’article 1393 du Code civil permet ainsi aux futurs époux d’adopter un autre régime matrimonial que le régime légal (loi du 10 juillet 1965 qui a mis en place le régime de la communauté réduite aux acquêts). Par exemple : les époux peuvent choisir le régime de la séparation de biens.

Quel que soit le type d’ordre public classique, leur violation donne naissance à la mise en œuvre d’une nullité absolue conformément aux règles ordinaires en l’espèce. A ce premier type d’ordre public s’en ajoute un second qui est l’ordre public économique.

 

II - L’ ORDRE PUBLIC ÉCONOMIQUE

Le domaine d’application de l’ordre public s’est en effet considérablement étendu du fait de l’intervention constante de l’ État dans la direction de l’économie de la nation. En effet, la plupart des contrats (vente, bail d’immeuble, assurance. transport, société, etc., est réglementée impérativement, parfois même dans les moindres détails.

A. Les caractéristiques de l’ordre public économique

L’ordre public économique peut porter atteinte a la liberté de choisir son co-contractant, par la présence de monopole d’ État ( tabac, allumettes, postes, poudre) qui s’est transformé à l’entrée en vigueur de l’acte unique européen. C’est aussi le cas lorsque soit l’ État, soit les SAFER utilisent leur droit de préemption.

Il peut aussi porter atteinte à la liberté de contracter ou au contraire de ne pas contracter, c’est ce que l’on observe quotidiennement à propos des contrats d’assurances. Contrats obligatoires pour les transporteurs, les automobilistes, les chasseurs.

L’ordre public peut aussi porter atteint à la liberté de fixer le contenu du contrat.

C’est le cas notamment de toute la législation sur les loyers, sur les prix, sur la législation du travail (durée, salaires imposés).

Cette tendance s’est trouvée confortée par la loi 78-23 du 10 janvier 1978, relative à la notion et au régime des clauses abusives.

En effet, tout intéressé est fondé à invoquer la nullité absolue de la clause qualifiée d’abusive au sens de la loi de 1978.

De même, la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983, relative à la santé et à la sécurité des consommateurs fait expressément peser sur les vendeurs professionnels une obligation générale de sécurité.

La sanction civile de l’ordre public économique varie selon la nature de la règle transgressée. Il existe en effet deux catégories d’ordre public économique.

B. Ordre public de direction et ordre public de protection

L’ordre public économique de protection a pour but de protéger dans certains contrats la partie économiquement la plus faible. Ainsi en est-il des règles légales qui accordent au locataire un droit au maintien dans les lieux.

Il en est de même de toute la réglementation du travail qui a pour objet la protection du travailleur.

De même, pour les textes qui assurent la protection du consommateur. Ce type d’ordre public n’étant édicté que dans un intérêt particulier la sanction de la violation prononcée par le juge est la NULLITÉ RELATIVE. En conséquence, seule la personne protégée ou son représentant peut la mettre en œuvre : l’action se prescrit par cinq ans et la partie protégée peut toujours renoncer à s’en prévaloir (Toulouse, 5 mars 1975.

Au contraire, l’ordre public de direction a pour but de concourir à une certaine organisation de l’économie nationale. Il est lié au dirigisme économique et le législateur n’entend pas l’on puisse le transgresser. En conséquence, ce type d’ordre public entraînera en cas de violation le prononcé par le juge de la NULLITÉ ABSOLUE. Celle-ci pourra être invoquée par toute personne, dans le délai de prescription qui est de TRENTE ANS.