Ouverture de la procédure Période d'observation Plan de redressement

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Liquidation judiciaire

 

LA PERIODE D’OBSERVATION

 

C’est une période d’attente qui va permettre d’établir un bilan économique et social de l’entreprise et d’élaborer un plan de redressement qui permettra la survie de l’entreprise.

Depuis 1994, cette période n’est plus obligatoire. En effet, le but de cette période n’est pas de causé un quelconque préjudice au patrimoine de l’entreprise, c’est pourquoi le tribunal peut, à tout moment mettre fin à l’activité.

Elle est limitée à une durée de 6 mois renouvelable 1 fois par décision motivée rendue d’office par le tribunal ou à la demande soit de l’administrateur, du débiteur ou du ministère public. Par exception, cette période peut être prolongée à la demande du procureur de la République pour une période qui n’excèdera pas 8 mois. Au total, la période d’observation durera au maximum 20 mois.

 

I. ELABORATION DU BILAN ECONOMIQUE & SOCIAL (B.E.S)

L’administrateur doit dresser un rapport au sujet du bilan économique et social de l’entreprise. Il va s’agir de déterminer l’origine, l’importance et la nature des difficultés pour les traiter. Pour ce faire, il a des moyens importants. Il peut s’entourer d’experts et peut demander au juge commissaire tous les documents utiles. Il va pouvoir en outre interroger toutes personnes susceptibles de le renseigner sur la situation de l’entreprise, c’est à dire le représentant des créanciers, le débiteur lui-même.

Ce bilan va lui permettre de prendre des solutions soit :

 

II. MAINTIEN DE L’ACTIVITE

A) Les mesures conservatoires

Pendant cette période d’observation, des mesures conservatoires doivent être prises afin de conserver le patrimoine de l’entreprise et donc ses capacités de production.

Pour ce faire, l’administrateur va procéder à l’inventaire des biens du débiteur et pourra prendre des hypothèques, pratiquer des saisies conservatoires, des nantissements…

Dans le même ordre d’idée, il pourra diminuer la rémunération du dirigeant et interdire aux associés de céder leurs parts sociales...

B) Les pouvoirs du débiteur

1°) Le principe de la gestion directe

La poursuite de l’activité est assurée par le débiteur : principe de la gestion directe (différent du principe du dessaisissement retenu sous l’empire de la loi de 1967).

Le débiteur continue, en effet, à exercer sur son patrimoine les actes de disposition, d’administration et les droits et actions non compris dans les pouvoirs de l’administrateur (article L 621-23 du Code de commerce).

2°) Le dessaisissement éventuel du débiteur

Cependant, le tribunal peut diminuer les pouvoirs du débiteur et augmenter ceux de l’administrateur. Ainsi d’une simple mission d’assistance ou de surveillance, l’administrateur pourra se voir confier une mission de gestion directe de l’entreprise.

En outre, de manière exceptionnelle, le tribunal pourra restreindre les pouvoirs du débiteur sur son patrimoine, en acceptant que l’entreprise soit mise en location gérance et ce pour une durée maximum de deux ans. Cette mesure n’est possible qu’à la demande du procureur de la République et seulement si la disparition de l’entreprise est de nature a causer un trouble grave à l’économie nationale ou régionale.

3°) Les restrictions aux pouvoirs du débiteur

  1. Interdiction de payer une dette antérieure au jugement d’ouverture.
    L’article L 621-24 du Code de commerce interdit de payer une dette antérieure au jugement d’ouverture dans la mesure où ce paiement risquerait de compromettre le maintien de l’activité et dans le but de maintenir l’égalité des créanciers.
    A défaut, les paiements seront frappés de nullité absolue, c’est à dire que la nullité pourra être demandée par tout intéressé (et même par le débiteur) dans un délai de trois ans à compter du jour où l’acte interdit a été réalisé.
    Toutefois, l’article L 621-24 autorise le paiement par compensation de créances connexes. Ainsi, il est permis au débiteur de payer une dette antérieure par compensation. La compensation est l’extinction de deux obligations de même nature entre deux personnes qui sont à la fois débitrice et créancière l’une de l’autre.
    En outre, le juge commissaire peut autoriser le chef d’entreprise à payer les créances antérieures au jugement d’ouverture pour retirer un éventuel gage (droit de rétention d’un bien jusqu’au complet paiement du prix), ou une chose légitimement retenue, lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l’activité.
  2. Actes soumis à l’autorisation du juge commissaire 
    Il s’agit des actes de disposition excédant la gestion courante de l’entreprise et qui engagent l’avenir de l’entreprise et qui dépassent son quotidien (donner l’entreprise en gage via une hypothèque, renoncer à l’exercice d’une voie de recours via une transaction, céder le fonds de commerce, vente de biens grevés d’une sûreté spéciale…).
 

III. LES PARTENAIRES DU DEBITEUR 

Le maintien de l’activité implique que de nouveaux contrats soient conclus avec de nouveaux créanciers et que les contrats actuels se poursuivent.

A) Les cocontractants

La question du sort des contrats en cours se pose. Que va t-il se passer avec les partenaires de l’entreprise qui sont déjà liés à un réseau contractuel ?

Le législateur définit les contrats en cours comme étant ceux qui n’ont pas épuisé tous leurs effets fondamentaux au jour du jugement d’ouverture. Ex : contrat de vente d’immeuble dont le transfert de propriété n’a pas eu lieu.

Le législateur laisse un droit d’option à l’administrateur.

  1. Soit il rompt les contrats en cours et doit dans ce cas dédommager le créancier pour rupture,
  2. soit il les poursuit et doit dans ce cas fournir la prestation promise. 
    Dans ce second cas, l’administrateur doit s’assurer qu’il reste les fonds nécessaires pour continuer le contrat, sinon il engage sa responsabilité et il sera mis fin à la période d’observation pour laisser place à la liquidation. Se sera donc la fin de l’activité de l’entreprise.

Cette option laissée à la discrétion de l’administrateur se heurte à la notion de liberté contractuelle et de contrat conclu intuitu personae.

En effet, on pourrait imaginer que les parties prévoient dans le contrat la résolution de ce dernier en cas de redressement judiciaire. Seulement, l’article L 621-28 du Code de commerce interdit de telles clauses, et ce, en respect de l’esprit de la loi qui est la poursuite de l’activité.

À noter que certains contrats, même en cours, ne peuvent jamais être rompus. Il s’agit notamment des contrats d’assurance, du contrat de bail et des contrats de travail.

En effet, leur maintien est nécessaire au maintien de l’activité.

La question qui se pose est de savoir si l’entreprise peut librement licencier des salariés ?

Le législateur l’a admis de manière restrictive. Outre le fait de demander l’autorisation de licencier au juge commissaire, aux représentants des salariés et à l’inspecteur du travail, les licenciements envisagés doivent présenter un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d’observation.

B) Les créanciers

Les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture vont être défavorisés car ils ne sont plus qu’un obstacle au maintien de l’activité.

Par contre, les créanciers postérieurs au jugement d’ouverture vont être favorisés en ce qu’ils représentent l’avenir éventuel de l’entreprise via les crédits consentis.

1°) Créanciers antérieurs au jugement d’ouverture

Ils sont défavorisés car :

  1. leur représentation collective a été affaiblie
    Avant 1985, il existait la notion de masse de créanciers qui avaient un patrimoine et donc une personnalité juridique qui représentait l’intérêt collectif de tous les créanciers. Mais en 1985, la loi a supprimé la notion de masse et a donc affaibli la représentation collective des créanciers.
  2. leur droit de poursuite est suspendu 
    L’article L 621-40 suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance à son origine avant le jugement d’ouverture et qui tendent soit à la condamnation du débiteur d’une somme d’argent ou soit à la résolution du contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. 
    Cette interdiction trouve des : 
    • limite temporelle : le créancier pourra reprendre les actions en justice dès qu’il aura déclaré sa créance. Cependant, cette limite est réduite car la déclaration de créance ne sert qu’à la fixation de son montant mais en aucun cas elle ouvre le droit au créancier d’être payé.
    • limite liée à l’interprétation restrictive de l’article L 621-40 : les actions qui ne sont pas visées par l’article ne sont pas soumises à la suspension ou l’interdiction des poursuites. Ainsi, le créancier peut tout à fait intenter une action en résolution du contrat pour une autre cause que le défaut de paiement. De même, le créancier peut agir en revendication de la propriété d’un bien. Dans le même ordre d’idée, le créancier à la possibilité d’agir contre les tiers notamment via l’action oblique (agir contre le débiteur de son débiteur). 
  3. ils doivent déclarer leurs créances 
    Toutes les créances qui n’ont pas donné lieu à un paiement intégral doivent être déclarées dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC et ce pour permettre d’évaluer le passif de la société. Seuls les salariés en sont épargnés.
    Le représentant des créanciers à l’obligation d’avertir les créanciers, dont il connaît l’existence, qu’ils doivent déclarer leurs créances.
    À défaut de déclaration dans les délais fixés, les créanciers seront forclos et ne seront donc pas admis dans les répartitions.
    La loi prévoit des relevés de forclusions (article L 621-46). Pour en bénéficier, le créancier devra agir dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture et démontrer au juge commissaire que sa défaillance n’est pas due à son fait. Mais la jurisprudence est sévère en la matière et considère que n’est pas une circonstance atténuante le fait que le représentant des créanciers n’ait pas averti le créancier.
    Si le relevé est accordé, la créance sera sauvée, sinon elle sera définitivement éteinte. Toutefois, cette règle est atténuée notamment par la fraude du débiteur qui aurait volontairement caché au représentant des créanciers l’existence d’une créance. Cette fraude constitue une faute génératrice de responsabilité délictuelle dont il résulte que le créancier peut obtenir à titre de dommages intérêts le paiement de l’équivalence de la créance éteinte par la faute du débiteur.
    Une fois les créances déclarées, ces dernières feront l’objet d’une vérification par le représentant des créanciers, en présence du débiteur et éventuellement de l’administrateur et de contrôleurs. En principe, toutes les créances sont vérifiées, mais s’il apparaît que l’actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, celles des chirographaires ne seront alors pas vérifiées. Toutefois, dans l’hypothèse où le débiteur est une personne morale dont le représentant a commis une faute de gestion, la vérification des créances chirographaires aura lieu dans la mesure où le dirigeant fautif pourra être tenu personnellement de payer.
    Le représentant des créanciers va donc établir une liste des créances déclarées avec ses propositions d’administration, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Cette liste sera ensuite adressée au juge commissaire qui décidera discrétionnairement d’administrer les créances déclarées, de les rejeter, d’attendre qu’une procédure en cours se termine ou de se déclarer incompétent pour juger du sort de la créance.
    Un recours contre la décision du juge commissaire peut être porté devant le tribunal par le créancier, le débiteur, l’administrateur, le représentant des créanciers ou le ministère public. Toutefois, si une créance a été admise, il est impossible de la contester ou de contester son montant. Seuls, le Trésor et la sécurité sociale peuvent compléter leur déclaration car les déclarations les concernant sont toujours faites sous réserve des intérêts et autres impôts établis à la date de déclaration. 

2°) Créanciers postérieurs au jugement d’ouverture 

Le règlement de ces créances va s’effectuer en priorité d’une part si leur fait générateur a eu lieu après le jugement d’ouverture et d’autre part si elles résultent d’actes passés par le débiteur ou l’administrateur dans le cadre de leurs pouvoirs.

En cas de conflit entre des créanciers antérieurs et des créanciers postérieurs au jugement d’ouverture, les créances postérieures seront payées par priorité sur toutes les créances antérieures.

Ainsi, l’ordre de paiement des créances peut être résumé comme suit : 

  1. Super privilège des salariés : (60 derniers jours de salaires)
  2. Créanciers postérieurs : créances salaires avancées par l’AGS, frais de justice, créances de prêt, créances non avancées par l’AGS, autres frais. 
  3. créanciers antérieurs : Trésor public, Caisses sociales, Créanciers chirographaires.