La procédure d’alerte concerne toute entreprise en difficulté risquant d’être en cessation de paiement.
L’alerte est déclenchée lorsqu’on perçoit «tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation».
La procédure d’alerte n’est pas une fin en soi. Elle consiste à déceler les indices de difficulté afin d’organiser rapidement et discrètement une résistance efficace face au risque de faillite.
B) Délimitation du sujet
Depuis les premiers indices de difficultés jusqu’aux procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, diverses mesures s’appliquent sans discontinuer.
Cependant, avant que l’entreprise ne soit en cessation de paiements, aucune procédure collective ne peut s’ouvrir, puisque le
seul critère d’ouverture d’une procédure collective est l’état de cessation de paiement de l’entreprise.
Ici, nous nous intéressons au traitement extrajudiciaire des difficultés et non pas au traitement judiciaire des défaillances telles que la procédure de redressement ou de liquidation. Nous nous attacherons donc à
étudier la procédure d’alerte qui intervient avant la mise en cessation de paiement de
l’entreprise.
C) Intérêt du sujet
La mise en place de mesures préventives permettent aux entreprises, traversant une période de difficultés financières, d’éviter de faire systématiquement faillite alors qu’elles auraient pu poursuivre leur activité d’exploitation en prenant des mesures de redressement appropriées.
D) Textes
Cf. Code du commerce : Droit des procédures collectives.
Loi du 1er mars 1984 sur la prévention des difficultés.
Loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaire.
Loi du 10 juin 1994 modifiant les 2 lois précédentes.
Septembre 2000 incorporation loi dans livre VI du code de commerce (art L611-1 et suivants).
E) Droit comparé
Les réglementations concernant les procédures collectives sont diversifiées mais on observe 2 grands clivages dans l’application des procédures collectives :
Entreprises commerciales (faillite des commerçants) Cf. France ; Italie ; Belgique ; Espagne ; Grèce ;
Domaine général (toute personne en cessation de paiement) Cf. GB ; Pays Bas ; Allemagne ; Autriche ;
La France est un système dualiste :
2 critères de faillite :
Personne physique : qualité de commerçant, d’artisan, d’agriculteur
Personne morale : qualité de personne morale de droit privé (ex : Association)
Droit des faillites international inexistant :
Le droit communautaire et le droit international des entreprises en difficultés sont toujours au
stade de projet.
En effet, les États ayant une conception exacerbée de la territorialité des décisions de justice, considèrent les procédures collectives comme des éléments importants de leur politique économique et ne sont pas encore prêts à accepter l’abandon de leur souveraineté.
F) Historique
Évolution historique des modifications terminologiques. Trois types de finalités se sont succédés :
1°) Punir le commerçant
2°) Protéger les créanciers impayés
3°) Assurer la survie de l’entreprise
Mesures applicables aux entreprises en difficultés dans le régime de 1967 et dans le régime actuel ;
Avant 1967, aucun régime particulier, concernant les entreprises en difficultés, n’existait ;
A présent, le droit des procédures collectives est de plus en plus complexe et tend à adoucir la situation juridique du débiteur ;
II./ LE DEPISTAGE DES DIFFICULTES
A) Les causes de vulnérabilité
1°) Causes internes
Les causes internes sont les causes les plus graves de défaillance mais les plus faciles à déceler.
Aspect juridique
La forme de la société ne correspond pas à la dimension de l’entreprise.
Aspect financier
Une mauvaise gestion de l’entreprise. De multiples facteurs, tels qu’une insuffisance de fonds propres ou un recours excessif à l’endettement, entraînent une baisse de rentabilité de l’entreprise.
Aspect humain
mésentente entre associés,
conflits sociaux
déficiences de la direction ou du contrôle
2°) Causes externes
Évolution défavorable de l’environnement.
Prévisible
installation de la concurrence
Modification des facteurs locaux de commercialité
Imprévisible
évènements internationaux
changement de politique
défaillance d'un partenaire
3°) Causes accidentelles
Maladie d’un dirigeant,
Incendie ou cambriolage des locaux,
Détournement,
Grèves répétées des services publics.
Les défaillances des entreprises sont également provoquées par de multiples facteurs tels que généralement :
Des charges fiscales trop lourdes,
Trop de personnel,
Pas assez d’investissements,
Une rentabilité marginale.
Dans ces circonstances, toute augmentation de charges fiscales ou sociales, toute baisse des ventes risquent de provoquer un déficit et à court terme la cessation des paiements.
L’entreprise, vulnérable est alors dépendante. Elle ne possède plus de liberté de décision. Son comportement est dicté par ses banquiers, ses clients, ses fournisseurs, son personnel salarié, ou les pouvoirs publics. Faute de mesures de redressement appropriées, l’entreprise risque d’être rapidement en cessation de paiements.
La plupart des critères d’alerte révèlent une situation financière dors et déjà dégradée.
Cf. Critères proposés par la caisse nationale des marchés de l’Etat :
Relation défectueuses avec les fournisseurs,
Rotation des stocks trop lente,
Dépendance financière vis-à-vis des sociétés du groupe,
Nécessité d’emprunts à court terme pour financer des projets à long terme,
Mise en gage d’actifs pour financer une dette existante,
Vente d’actifs générateurs de revenus à long terme pour disposer de liquidités.
L’endettement de l’entreprise ne doit jamais dépasser 3 à 4 années d’autofinancement et le montant des capitaux propres. De plus, le recours à l’endettement ne doit pas dépasser 75% du montant des investissements.
Les indices révélant les difficultés de l’entreprise, sont multiples non pas uniquement comptables ou financiers. Ils permettent une certaine prévision. Cependant, ils doivent être interprétés avec prudence.
B) Les Indices
Au sein des Sociétés Anonymes : Ce sera le cas de la perte de la moitié du capital social, de tous les faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation,
ou d’en affecter de manière préoccupante la situation économique
Au sein des autres sociétés : La procédure doit demeurer confidentielle aussi longtemps que possible et en même temps elle doit aboutir à révéler les difficultés de l’entreprise à d’autres personnes que le dirigeant lui-même.
III. LA REVELATION DES DIFFICULTES AU CHEF D’ENTREPRISE : LES ACTEURS
On distingue 4 phases dans le déroulement de la procédure auprès des SA :
Le commissaire demande des explications au dirigeant. Si dans un délai de 15 jours, il obtient une réponse satisfaisante, la procédure s’arrête.
Si, au contraire, la réponse obtenue est inexistante ou insatisfaisante, dans un délais de 8 jours, il provoque la délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance qui communique les résultats de la délibération au comité d’entreprise et envoie une copie de la délibération au commissaire aux comptes qui, à son tour, la transmet, au président du tribunal.
Si la délibération est insatisfaisante, le commissaire établit un rapport spécial destiné aux actionnaires ou convoque l’Assemblée Générale pour lui soumettre son rapport.
Si le procès verbal rédigé par l’AG est insatisfaisant, le commissaire saisit le président du Tribunal de commerce qui place la société en observation. Le commissaire ne fait qu’indiquer au président que l’alerte est déclenchée et ne lui communique pas d’autre information.
Si l’entreprise est en cessation de paiements, le dirigeant doit déposer le bilan dans un délai de 15 jours.
Si le dirigeant ne fournit pas de réponse satisfaisante, plusieurs solutions sont envisageables :
Avec l’accord du chef d’entreprise, il nomme un conciliateur afin de mettre en place un règlement à l’amiable avec les créanciers (cas où le redressement de l’entreprise est possible) ;
Il invite le chef d’entreprise à déposer le bilan (cas où l’entreprise est en cessation de paiement) ;
Il fixe un nouveau rendez-vous et lance une enquête sur la situation économique et financière de l’entreprise ;
Avec l’accord du chef d’entreprise, il nomme un administrateur (il ne s’agit pas d’une mise sous tutelle judiciaire de l’entreprise).
IV. CONCLUSION
Depuis 1967, le droit des procédures collectives à l’égard des entreprises en difficultés a permit un adoucissement continu de la situation juridique de l’entreprise débitrice en France.
La modification des lois de 1984 et1985 par le nouvelle loi de 1994, a permis d’accélérer la procédure d’alerte en réduisant les délais.
De nouvelles réformes, calquées sur le droit américain sont encore en projet. En effet, le projet PERBEN envisage de geler les créances dès la procédure d’alerte et non plus uniquement lorsque l’entreprise est en cessation de paiements. Cette réforme faciliterait davantage le maintien de l’activité de l’entreprise en difficulté.
ANNEXE – Extraits du code de commerce –
CODE DE COMMERCE Chapitre IV : De la procédure d'alerte
Article L234-1
Lorsque le commissaire aux comptes d'une société anonyme relève, à l'occasion de l'exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, il en informe le président du conseil d'administration ou du directoire dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
A défaut de réponse sous quinze jours ou si celle-ci ne permet pas d'être assuré de la continuité de l'exploitation, le commissaire aux comptes invite par écrit le président du conseil d'administration ou le directoire à faire délibérer le conseil d'administration ou le conseil de surveillance sur les faits relevés. Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance. La délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance est communiquée au comité d'entreprise. Le commissaire aux comptes en informe le président du tribunal de commerce.
En cas d'inobservation de ces dispositions ou s'il constate qu'en dépit des décisions prises la continuité de l'exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui est présenté à la prochaine assemblée générale des actionnaires. Ce rapport est communiqué au comité d'entreprise.
Si, à l'issue de la réunion de l'assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d'assurer la continuité de l'exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats.
Article L234-2
Dans les autres sociétés que les sociétés anonymes, le commissaire aux comptes demande au gérant, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, des explications sur les faits visés au premier alinéa de l'article L. 234-1.
Le gérant est tenu de lui répondre sou quinze jours. La réponse est communiquée au comité d'entreprise et, s'il en existe un, au conseil de surveillance. Le commissaire aux comptes en informe le président du tribunal de commerce.
En cas d'inobservation de ces dispositions ou s'il constate qu'en dépit des décisions prises la continuité de l'exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial et invite par écrit le gérant à faire délibérer la prochaine assemblée générale sur les faits relevés. Ce rapport est communiqué au comité d'entreprise.
Si, à l'issue de la réunion de l'assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d'assurer la continuité de l'exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats.
Article L234-3
Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel exercent dans les sociétés commerciales les attributions prévues aux articles L. 422-4 et L. 432-5 du code du travail.
Le président du conseil d'administration, le directoire ou les gérants, selon le cas, communiquent aux commissaires aux comptes les demandes d'explication formées par le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, les rapports adressés au conseil d'administration ou au conseil de surveillance, selon le cas, ainsi que les réponses faites par ces organes, en application des articles L. 422-4 et L. 432-5 du code du travail.