LES DIFFÉRENTES SANCTIONS DE L’INOBSERVATION DES CONDITIONS DE VALIDITÉ DU CONTRAT

I - INTRODUCTION

Lorsqu’un des éléments essentiels à la validité du contrat manque ou est imparfait, le contrat va être atteint de certaines sanctions, plus ou moins graves : l’action en nullité. Il y a trois degrés dans les sanctions : nullité relative, nullité absolue et inexistence. Toutefois, la théorie de l’inexistence n’est pas unanimement admise : tant la jurisprudence qu’une partie de la doctrine préfèrent voir, dans les prétendus cas d’inexistence, des cas de nullité absolue. En réalité il faut faire une légère distinction entre :

Dans le droit romain, le critère des nullités absolues est double; nullité absolue pour défaut d’un élément de validité du contrat, dans l’ancien droit, le critère est nullité pour atteinte à l’ordre public. Ces deux critères ont été maintenus par le Code civil. Avant la loi du 3 janvier 1968 la prescription pour les nullités relatives était de 10 ans ( articles: 1962, 1108,1304,1311,1338 Code civil).

 

II - PLAN

1. Les différences entre les sanctions de nullité :

  1. le motif
  2. La différence essentielle entre les nullités absolues et relatives consiste en ce que les secondes sont des nullités de protection, alors que les premières sanctionnent des atteintes à un intérêt général à l’ordre public. Elles peuvent donc être invoquées par tout intéressé. Mais si un intérêt est suffisant, un intérêt est cependant nécessaire. On doit se garder d’affirmer, comme on l’entend quelquefois, que les nullités absolues peuvent être invoquées par tous, sans autre condition. L’expression exacte est "par tout intéressé". c’est là une règle générale de procédure, L’accès aux tribunaux est réservé à ceux qui ont intérêt, "pas d’intérêt, pas d’action"

  3. les cas
  4. La nullité absolue est entraînée tout d’abord par l’absence d’un élément essentiel de validité du contrat : absence de consentement, c’est-à-dire le défaut total de volonté, absence d’objet, de cause, de forme dans les contrats solennels, les vices de l’objet : l’impossibilité, l’indétermination, l’illicéité, l’immoralité de la cause : l’illicéité, l’immoralité, la fraude.

    La nullité relative concerne soit l’ensemble des contractants dont le consentement aurait vicié: erreur, dol, violence, soit certaines personnes, en particulier les incapables, c’est-à-dire les mineurs et les personnes qui ne sont pas saines d’esprit, soit les personnes victimes d’un déséquilibre économique : la lésion.

  5. les conditions d’exercice de l’action en nullité
 

2. Les effets de la nullité

Les effets de la nullité sont les mêmes, que la nullité soit absolue ou qu’elle soit relative. Ce qui oppose ces deux sortes de nullité, ce sont leurs conditions d’exercice, non leurs effets.

Lorsque le contrat est annulé, tout doit, théoriquement, être remis dans le même état que s’il n’avait jamais été conclu. L’annulation est toujours rétroactive.

  1. L’effet de nullité à l’égard des tiers

    En principe, la nullité du contrat est opposable aux tiers. Cela résulte de la règle : nemo dat quod non habet (on ne transfère pas un droit qu’on n’a pas). Si donc l’acquéreur d’un bien voit la vente annulée et que dans l’intervalle, ce bien avait été hypothéqué ou revendu, l’hypothèque ou la deuxième vente tombe elle aussi. La première nullité entraîne une cascade de nullités. Mais en réalité, la rigueur de cette règle est écartée ou tempérée de diverses manières :

    • en matière mobilière : si la chose, objet du contrat, est un meuble corporel, le tiers, sous acquéreur de bonne foi, est protégé par la règle "en fait de meuble, la possession vaut titre". Mais cette règle ne joue pas à l’égard des meubles incorporels: tels un fonds de commerce.

    • en matière immobilière : si l’objet du contrat est un immeuble, la protection des tiers est moins efficace. Les opérations immobilières sont, certes, publiées sur des registres fonciers, ce qui permet aux tiers d’être informés de l’existence de certaines causes de nullité comme la lésion, mais n’avertit pas l’existence d’un vice du consentement, ou même de bien d’autres causes de nullités.

    • maintien des actes d’administration : en vertu d’une jurisprudence purement prétorienne, les actes d’administration (vente de récoltes, baux de courte durée) ne sont pas anéantis, ils survivent à la nullité. Juridiquement, on invoque l’idée "gestion d’affaires", l’acquéreur a agi dans l’intérêt du propriétaire, si l’acte entre dans la catégorie de ceux qui sont utiles ou nécessaires.

     
  2. L’effet de nullité entre contractants

    Lorsque le contrat a été exécuté en tout ou partie, celui qui prétend qu’il est nul doit l’attaquer par une action en nullité. La nullité n’est jamais automatique, elle doit être prononcée par le tribunal à la demande de la partie qui a qualité pour intenter l’action, ou d’office dans les seuls cas où l’ordre public est intéressé. Nul de droit signifie que le tribunal n’a pas de pouvoir d’appréciation; si la nullité est demandée, il doit la prononcer dès lors que la cause de la nullité est établie.

    Si le contrat n’a pas été exécuté : Il suffit d’attendre que l’exécution soit exigée pour soulever la nullité. Le contractant qui a la qualité pour invoquer la nullité peut invoquer l’exception de nullité ou intenter l’action en nullité.

    • la restitution

      Normalement l’annulation rétroactive du contrat va entraîner l’obligation, pour chaque partie, de restituer la prestation perçue de l’autre, de régler la question des fruits celle des impenses, des réparations dues en cas de dégradation... Cependant on admet quelques exceptions :

      • dans les contrats successifs : il est matériellement impossible de restituer ce qui a été irrémédiablement accompli. Si un contrat de bail est annulé, le locataire ne pourra pas rendre la jouissance du local, la nullité ne jouera réellement que pour l’avenir.

      • lorsque la nullité est prononcée pour immoralité du contrat : l’action en restitution peut se heurter à la règle selon laquelle on ne peut pas se prévaloir en justice de sa propre immoralité dont se prévalait le demandeur, parce que l’immoralité du défendeur était encore plus grande, et dans certains cas l’action en restitution a été rejetée non pour immoralité mais pour illicéité.

      • la nullité des contrats faits par une personne incapable : n’oblige pas cette dernière à restituer tout ce qu’elle a dépensé et ne doit rendre que ce qu’elle a conservé: son obligation n’existe que dans les limites dont elle s’est enrichie.

    • Les problèmes naissant de la restitution des prestations

      • Les fruits : (art. 5-49 et 550 Code civil) le possesseur de bonne foi fait les fruits siens jusqu’au jour de la demande en restitution. Il n’aura donc pas à les rendre ou en rendre la valeur. La solution inverse sera donnée s’il est de mauvaise foi, c’est-à-dire s’il ne pouvait ignorer que le contrat par lequel il avait acquis la chose était nul. En ce cas la valeur des fruits qu’il doit rendre est estimée à la date du remboursement.

      • Les impenses : les dépenses faites pour la conservation de la chose lui seront remboursées, celles qui l’ont améliorée, ne donneront lieu à indemnité qu’à concurrence de la plus-value : les dépenses de pur agrément ne sont pas remboursées.

      • Les problèmes des nullités partielles : tout dépend de l’intention des parties, lorsque la présence de la clause dans le contrat avait été déterminante, dans leur commune intention. la nullité de la clause entraînera la nullité du contrat. C’est là une application de la notion de cause impulsive et déterminante.

 

S’il apparaît que la nullité de la clause avait un caractère de sanction intéressant l’ordre public, on ne saurait étendre la nullité à l’action tout entière, alors même que les parties avaient expressément stipulé « qu’elles faisaient de la clause illicite une condition essentielle du contrat ». C’est en ce sens que se prononce très généralement. la jurisprudence lorsque la nullité concerne les "contre-lettres" qui augmente le prix de certaines ventes pour des raisons de fraude fiscale.